14 sept. 2008

ILS ME CHIENT SUR LA TETE : café de la place verte (Paris XI)

Un dimanche matin ensoleillé, une légère brise septembre. Nous voilà en route avec enfant et grand-parents paternels pour aller batifoler au parc des Buttes-Chaumont. J'aime bien la Place Verte, et il se trouve que c'est sur notre route, et que j'y ai déjà dégusté un magnifique steak tartare avant un concert de The Locust au Nouveau Casino, qui est à 10 mètres. La terrasse est quasiment déserte, il est 11h50. Les fêtards son pas encore levés pour un café salvateur, les familles sont à la bourre, bref, c'est peinard, on peut choisir deux tables pour se caler à 4 avec la poussette à côté. Je soupire, ça sent la journée relax, les arbres frétillent à peine et le soleil tape juste comme il faut.
Un serveur s'approche, lunettes carrées syndicales du XI arrondissement, le pas vif.
"Vous pouvez pas prendre deux tables pour 4 il faut vous mettre à 4 sur une seule table plus grande comme ça" dit-il en désignant d'un coup de tête agacé la seule table du genre, déjà prise par ... seulement deux personnes.
Et ce sur un ton de gendarme mal luné sur bas-côté d'autoroute pluvieuse. Vous aurez noté aussi l'accroche commerciale très tendance qui consiste à considérer que dire bonjour, ça doit faire ringard et que c'est juste bon pour ces gros cons de provinciaux quand ils sont chez eux. Mais moi je suis un sale réactionnaire qui s'assume, je considère que dire bonjour poliment est la moindre des choses, ici comme ailleurs.

Je vous le fais rapide : j'ai déjà envie de me lever, de lui arracher ses lunettes, de lui envoyer un pain, et de partir ensuite nonchalamment au restau' juste à côté, siroter un apéro en le regardant récolter les bouts de verre étalés sur sa terrasse de merde. Le tout en faisant voler la fumée de ma clope dans les rayons du soleil d'un air dégagé, la main encore tremblante d'une adrénaline peu reluisante mais Ô combien défoulatoire.
Mais bon. Les parents sont là, Pénélope est à côté, et Caro a pas envie de se taper la honte et d'avoir un dimanche gâté. Je ronge mon frein derrière mes lunettes noires. Et puis ça va passer quoi. Relax, mec.
"On en prendra une quand il y en aura une de libre" répond mon père gentiment. Moue agacée du serveur qui aimerait bien qu'on se casse, surement parce qu'on a une poussette. Une fois le tocard parti on se demande légitimement comment il fait quand deux personnes arrivent à une table de deux ? Il force un passant à bouffer avec eux pour optimiser sa terrasse ? Sa terrasse est quasi vide alors qu'est-ce qu'il nous gonfle ?
Bon, l'énervement passe même si je propose direct de chercher un autre endroit, quand ça commence mal, en général ça finit mal.
En tout cas ça continue mal : on se déplace de nous même à la FAMEUSE table vaguement plus grande, qui n'est pas au soleil. Elle est pleine de la merde des précédents.
Le temps passe. Et repasse. Ca fait pas un pli, c'est vraiment mal parti. Une demi-heure, personne n'a pris notre commande, notre table est crade. Pourtant quasiment personne ne mange et il y a trois serveurs.

Respire, Seb, respire. De fait je me lève et vais faire le tour du pâté de maison en fumant une clope car je suis à deux doigts d'entrer dans ce rade en gueulant "Oh vous allez vous le bouger votre gros cul bande de gros nazes ?!?"
On se calme.

Je reviens à la table, elle est nettoyée, miracle. Mais la commande n'as pas encore été prise, la sevreuse qui a nettoyé n'étant "pas habilitée à prendre les commandes" (je cite). Comme quoi Henry Ford aura fait des émules jusqu'en 2008 dans le XI arrondissement. Je pense qu'un jour il faudra un serveur exclusivement dédié pour répondre à la question "où sont les toilettes siouplait ?". Un autre habilité à changer le rouleau d'impression des tickets de caisse aussi.
La commande se fait enfin. On papote gentiment. Je vous rassure, sur le coup on n'a quand meme pas fait ne énorme fixette la dessus. Ça gavait mais bon, allez, hein.
Une autre serveuse arrive à la table à côté, la nettoie et range les chaises et nous lance tout de go (sans le moindre bonjour ni autre formule de politesse ni même un gramme de conditionnel)
'"il faut pousser vos chaises et les tourner parce que là les gens ils vont pas avoir assez de place sur cette table ci et ..."
-Mon père :"Non c'est bon là on a déjà été déplacés, on a attendu c'est bon"
-La serveuse fait la gueule et regarde mon père comme une grosse merde de Bosseron.
Encore une seconde de ce regard et je te fais bouffer ton tablier, grosse conne. Elle se retourne et se remet à astiquer sa table. Tout-doux, tout-doux...
Je commence à vraiment bouillir, c'est pas vrai ces connards apprentis artistes vont pas me péter ma journée non putain de bordel de merde ?!?
Une voix au loin (pourtant proche) : la serveuse qui parle tout haut dans son coin genre ils vont m'entendre : "non mais c'est comme ça il faut respecter la terrasse c'est tout!" et elle part limite en courant.
Ma mère toussote, et mon père comprend alors qu'il vaut mieux pas piper un mot. Il est un peu comme moi donc il ferme sa gueule au lieu de foutre un esclandre de première qui va pourrir la journée de tout le monde. On est en famille, riiiiilax.
Et la bouffe arrive, puis l'addition.
Non, pour le café on ira ailleurs, merci bien.

Rien de bien méchant finalement. Qu'est ce que je viens vous bouffer votre temps avec des anecdotes aussi chiantes, anodines et sans le moindre rebondissement (coups de poings, insultes, bouteille de ketchup éclatées etc.) ? Quel grincheux tu fais mon dieu mais croque la vie à pleine dents et inch'allah mec putain riiiiiiiiilax !
Ouais ouais ok. J'en ai juste marre. Tu bosses toute la semaine. Tu vois tes parents (et donc grands-parents de la petite) tous les deux mois sur Paris. Tu rames ton cake financièrement. L'été a été pourri.
Alors le dimanche, au soleil, en terrasse, le serveur, il est aimable et il me sert. S'il est pas jouasse il va bosser au Mc Do Oberkampf, là bas tu sais que tu seras mal servi donc c'est pas grave, il sera à sa place.
Le pire c'est qu'il faudrait justifier quelque chose.

Non mais dites moi que vous avez aussi ces envies de meurtre! Car je me plains mais moi, bon, ça peut aller maintenant. Mais si je m'imagine avant avec les pires boulots de merde en usine ou au péage ou quoi, si j'imagine un mec qui bosse dans le BTP dehors toute la semaine, comment se fait-il que les pages du Parisien ne soient pas toutes remplies de faits divers comme :
"Après avoir attendu 40 mn et été traité comme une merde, un maçon dont la famille est menacée d'expulsion pour cause de loyer trop élevé transforme une bouteille de Ketchup en suppositoire pour serveur"
ou
"Ignoré superbement durant tout son temps de présence, ayant bu des demi à moitié vides et sans bulles ("à moitié plein et brassée selon une méthode ancestrale" selon l'avocat du plaignant) à l'apéritif, avoir mangé un repas infect ("une spécialité culinaire Ouzbek" selon l'avocat du plaignant) servi comme à un cochon ("dans la précipitation dûe au coup de feu de midi" selon les avocats du plaignant) un routier smicard qui venait de passer 13 jours consécutifs dans son camion en retour de Russie, a tenté d'immoler une serveur avec le rhum de son baba ; après avoir détruit minutieusement la vitrine de l'établissement X à coups d'omelette trop cuite et de pain rance".

Je devrais être habitué mais non, je m'y fais pas. C'est même pas l'histoire "d'être commerçant", expression très conne au demeurant. C'est histoire d'être juste poli et de me sacrer un crisse de paix quand c'est mon dimanche tabarnak!
Ah oui habituez-vous, je sacre en québecois de temps à autre (je vous expliquerai).


Notre ballade dans Belleville puis au parc des Buttes Chaumont me réchauffe rapidement le cœur après ça. Les café et limonades que nous y avons pris ont été servis par des gens tout-sourires, serviables et rigolos. Il y avait que des blacks, de juifs, et une pelleté de chinois et je me sens vachement à l'aise. Ambiance "yapa d'problime / à vot'service" qu'on croirait extraite de la pub Hassen Cehef des Nuls.

J'ai repositivé en repensant au repas de la veille (quand les grands parents sont là ils payent le au restau' comme vous aurez compris) au très Café-Crème dans le III, où vous êtes toujours bienvenus meme avec un enfant "pas de problème dedans on a une chaise haute et ya pas de souci pour la poussette vous voulez aussi les marionnettes de doigts pour l'amuser ?". Déambulation ensoleillé au parc de Buttes Chaumont, entre poneys guillerets, bulles de savon primesautières, spectacles de marionnettes enjôleurs, canards joyeux et poissons qui frétillent.
La campagne me manque.
Et comme quoi finalement tout finit bien, en redescendant du parc vers la rue de Belleville je vois cette affiche devant le café théâtre La providence :

Et mon coeur s'emplit de joie.

3 commentaires:

  1. c'est le propre des gens bien éduqués et dotés d'un cerveau de réagir comme tu le fais...mais ceci dit, des fois se lever et envoyer du gros, ca fait un bien fou, je pratique depuis oeu mais je te conseille vivement cette nouvelle méthode que j'ai intitulé "faisons fi de nos bruits interieurs"...et restituons ces orages qui grondent à ceux qui les provoquent,ya pas de raison, apres tu choisis une ou deux insultes qui passent bien, je te conseille le vieux français, tres pratique auquel tu adjoins un accent guttural du plus bel effet...et la cest l'apothéose, ou sinon ya connard qui marche bien, tete d'enclume et surtout qui evite le coup de tronche ou plus soft tu te leves et tu te casses......en prenant soin de renverser deux trois sets de tables de regarder le connard qui sert de serveur lui faire un grand sourire et lui dire excusez moi,alors la cest que du bonheur....allez au boulot espece de nevrosé
    Burn

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  2. moi j'aime bien TOCARD

    y a une attaque redoublée dans ce mot (To-Kar) dans ce mot qui me plait énormément

    mais c vrai que plus ça va moins j'ai envie de me retenir quand on me gonfle à ce point

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  3. va pour tocard:
    maintenant nous attendons tous fébrilement la mise en pratique du dit objet, que t u t'empresseras de nous narrer ci bas....avec tout le talent de conteur qui est le tien.
    Burn

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