28 déc. 2014

PSYCHO BURRITO, Saison 1 épisode 4

vaporizer fender chicago chopin theatre
--- photo : aftershow au Chopin Theatre, Chicago.
 Les épisode précédents : épisode 1, épisode 2, épisode 3

Quel con je fais : depuis le début j’ai fait en sorte que les autorités ne sachent pas qu’on existe en tant que musiciens, ils aiment pas qu’on vienne leur piquer leur boulot les ricains ; et même si c’est un « boulot » sous payé, pour eux c’est le même tarif. Pour dire, j’ai carrément atterri à Chicago sans même un médiator dans la poche, et j’ai tanné les gars pour qu’ils s’alignent sur cette politique de la taupe interlope qui avance masquée et déguisée en autruche.
Et là, comme un con, c’est moi qui lâche le morceau.
Tout comme le seul gros con qui est finalement parti vadrouiller sans ses papiers et sans son téléphone, eh beh c’est moi.
Alors que à chaque fois qu’on bougeait quelque part je serinais les gars « c’est bon les gars vous avez vos papiers ? Votre téléphone ? ».
Bref.
Retour sur mon champion en uniforme : je dois détendre l’atmosphère tout de suite, surtout qu’il est en train de me poser toute une chiée de questions sur d’où on vient, où on va, la totale. A un moment il me demande où l’on a atterri et chez qui l’on est hébergé.
Ça me donne le déclic, et je tente le tout pour le tout :
« - Oh on a atterri chez notre copain Alex, c’est un Français, et maintenant il est marié à une américaine, on vient juste jouer avec lui pour faire la fête hein , trois fois rien hein ahahaah tranquille monsieur. Peut-être que vous connaissez sa femme d’ailleurs ? C’est Danielle Colby de l’émission American Picker ».
Comme ça en passant. Hop.
Je sais que American Picker passe à Chicago, qu’elle y est assez populaire, on a eu l’occasion de s’en rendre compte, mais je n’ai aucune idée de l’audience qu’elle peut avoir ailleurs.
jose wastemen chicago niko
--- photo : un matin (ou une fin de soirée) comme un autre avec Niko. Batteur, évidemment.

J’avais quand même retrenu que Felix l’a déjà vue au Québec. Donc bon, j’ai des chances, et j’ai vite fait de découvrir sa popularité ici : le flic ouvre une bouche à avaler trois essaims d’abeilles en même temps.
« - OoooooMaaaaaGaaaAAAD’ !!! OMAGAD ! » (bon en fait ils disent Oh My God, mais OMAGAD je trouve ça mieux).
« I love Danielle ! »
Putain ! Alex est juste à côté il est sorti fumer aussi, je le chope direct :
« - True true ! See Alex is here, it’s her husband ! »
- OMAGAD !!! »
- Vas-y Alex montre lui des photos de toi et Danielle ».
Alex en a environ 8000. Il s’exécute dans la bonne humeur.
Alex est toujours de bonne humeur.
Le flic est comme un guedin, il dégaine son téléphone et commence à faire des selfies avec Alex, le mari de son idôle de la télévision. Plus improbable tu meurs. Alex, mon pote de Saint-Blaise du Buis (3.8. représente), adulé comme une star par un flic de l’Indiana qui est à la limite de la catalepsie.
En tous cas le tour est joué, le fait qu’on soit musiciens ou pas, il s’en cague comme de son premier donut : il est content. On papote avec lui, il est tout détendu, il nous montre son badge, on se fait des photos, on est copain comme cochon. Niko est mort de rire et joue le jeu.
Niko est toujours mort de rire.
Après quelques accolades de bon aloi, on repart.
Ah mais où au fait ?
wastemen highway 65 waffle house
--- Waffle House sur Highway 65. Pire restaurant de tous les temps. Haut la main.

- Pardon ? »
- Euh bein ouais en fait on a tout posé là bas avant de venir te rechercher à Brownsburg »
- Ouais mais après on va où ? »
- Bein on dort là bas nos affaire son déjà dedans chez lui »
- Nan mais les mecs vous êtes cramés ! Je mets pas les pieds là-dedans c’est un fou furieux si je le vois je le tue !! Putain mais ça craint ! Mais vous aussi quoi merde rentrez pas la dedans !
- Nan mais ça a l’air cool ya sa femme et tout !»
- Cool ? Ouais bon bein vous faites comme vous voulez moi je fous pas les pieds là dedans il est taré j’te dis ! Putain merde j’ai du me jeter de son van, et quand vous l’avez croisé il a fait l’air de rien ! J’aurai pu crever merde !
- Ouais mais bon bein -euh mais bon euh …
- Ouais bon bein on va là bas si il y a tout le matos hein… pas le choix. Mais moi je fous pas les pieds dedans, je dors dans un champ si il faut !
- Beiiiin y’a le van des Hangdog Hearts. »
- Beh si il est ouvert voilà, je dors dedans. ».
jose and the wastemenjeff nolan
--- photo : Jeff Nolan sur scène avec nous à Nashville (dans le récit, c'est ce soir).

Nous voilà arrivé. Une grande maison dans une zone pavillonnaire de campagne.
Le putain de pickup blanc est là. Le van de Hangdog Hearts aussi, et il est ouvert. Niko et Felix décident de venir passer ce qu’il reste de nuit avec moi. Alex et Soda vont à l’intérieur.
On se souhaite bonne nuit, et je leur rabâche de bien faire gaffe.
Moins de quatre heures après, sur le coup des 9h00 du matin, le soleil tape dur sur le camion, qui a été récemment repeint en noir. Je dessèche littéralement sur ma couchette, et il n’y a pas le moindre souffle d’air pour venir me sauver. Sec, sec, sec. Comme dirait Ludo Boudou « si jamais je jouis, j’vais éjaculer en poudre ».
J’me sens comme une bouze de dromadaire, à midi en plein Sahara.
Un pack de petites bouteilles d’eau, posé en bas, me fait de l’oeil. Je descends tant bien que mal me prendre une bouteille, et en jette rapidement une à Niko qui est en train de gémir, et j’ouvre les fenêtres dans le vain espoir de faire passer un peu d’air.
Vain, l’espoir, en effet.
Me faut de l’air. J’ouvre la porte du van pour m’asseoir sur le marchepied, il fait un soleil de plomb, et entre le réveil d’hier, la route d’hier, le concert d’hier, les aventures d’hier et de la nuit, je suis vraiment naze, au dernier degré. Naze complet.
La porte de la maison s’ouvre.
Psycho Burrito en personne.
Merde.
« Putain Niko descends, descends il est là !"
jose wastemen USA truck
--- Au fond, le pickup de l'angoisse. Au premier plan le van de Hangdog Hearts. Tout autour, il fait 45 degrés.

Niko se jette de sa couchette et vient s’asseoir à côté de moi. On n’en mène pas large. Psycho Burrito est en débardeur du dimanche, short, tongs et lunettes noires. Mais il est toujours aussi cuivré et balaise.
« Hi guys ! Had a good night ? Why didn’t you get inside to sleep ? It’s fresh ! I got AC and all you need ! » et il me tape sur l’épaule en souriant.
Je cherche machinalement un clope, que me tend rapidement Niko. Il me connaît bien Niko.
Je l’allume, je dis rien. Psycho Burrito fait le tour du camion pour aller ouvrir son garage, qui laisse entrevoir plusieurs Harley Davidson, un écran télé d’environ 12 mètres de large, de grands sabres, et des canapés en cuir XXXXL, entre autres choses. Son putain de garage est plus grand et mieux fourni que mon appart.
Je me lève, je scanne les alentours. Je me dirige vers le champ à l’arrière du garage pour essayer de retrouver mes esprits et comprendre ce qu’il se passe. J’entends Psycho Burrito arriver à côté de moi.
« You did a great show last night ! But you know what ? I lost all the merch I bought you ! »
Je tire une latte, je cherche Nico du regard derrière mes lunettes de soleil, il est pas loin derrière nous. Je me redirige vers le camion. Je suis sûrement en train de dormir et je rêve (ou je cauchemarde).
« Oh and you know what ?!? I got busted by the cops when I came back, because I drove too fast ».
Putain tu te fous de ma gueule ou quoi ?
Tu te rappelles que tu m’as acheté du merch. Tu l’as perdu. Tu te souviens t’être fait arrêter par les flics parce que tu conduisais trop vite (sans blagues ?) en revenant chez toi.
Mais le fait que j’aie essayer de t’étrangler, que j’aie du sauter de ton pickup en marche, que tu m’aies laissé seul comme une merde dans un ravin ça te dit rien ? Que t’aies dit que tu savais pas où j’étais quand les autres t’ont retrouvé ça te dit rien ?!?!
Niko lit dans mes pensées, il en a les mâchoires qui se décrochent.
Le mec nous parle comme si rien ne s’était passé.
Soit il est très bon acteur, soit il a la mémoire sélective, soit il est taré, soit il est/était sous drogues. Soit tout ça cumulé.
« But well I know them well, so I was fine I did not even get a ticket. »
Je tente un vague « Mmmmmm… mmmmm… » qui me sert surtout de soupape de sécurité, car je bouillonne comme il faut.
Ceci dit entre sa carrure, ses sabres, ses guns dans son pickup, et ce qu’il doit y avoir dans sa maison, j’aime autant ne pas la ramener.
Attendons patiemment en restant sur nos gardes.
« Well guys, I gotta go to the drugstore, few things to get there. See you later ! We could call all of my friends and make a huge party and diner then ! »
Et il se barre faire ses courses.
jose wastemen usa canada tour 2014
--- photo : petit matin à Chicago. On est bien.
On se regarde avec Niko : c’est quoi ce bordel ?!?
On décide d’aller rapidement faire un tour dans la baraque. Elle est immense, du dernier cri, et il y fait facilement 25 degrés de moins que dehors. Les américains sont littéralement malades de la climatisation. En plein été, on a dû mettre un gilet ET une veste à chaque fois que l’on rentrait dans un magasin ou un restaurant. Ca n’empêche pas Alex et Soda de comater confortablement dans le salon, dans de grands canapés avec de grands coussins.
Je cherche rapidement la douche dans cette maison luxueuse qui n’a pas vu le moindre grain de poussière depuis sa création.
Je peux me passer de bouffe, de clopes, de café, de tout ce que tu veux, mais en tournée, si j’ai pas ma douche le matin, je ne fonctionne pas correctement, ça m’est vraiment vital. Même si y a juste un lavabo pour faire une toilette de chat hein. Là pour le coup, c’est baignoire de luxe, mais je ne m’y attarde pas.
Une fois –vite- fait je retourne au camion. Psycho Burrito revient. Je me cache sur ma couchette, pas envie de le recroiser, seul qui plus est. Un gamin sort de la baraque. Il s’avérera qu’il en a deux, ainsi qu’une femme qu’on croirait tout droit sorti d’un catalogue de bombes atomiques. Ça me rassure : moins de risque de grabuge avec femmes et enfants dans le secteur.
Attendre que les gars sortent tous me semble une éternité. Imaginez un peu si on était cinq meufs sur la route : les épisodes salle de bain cumulés nous feraient prendre 5 heures de retard chaque jour. Allez y les filles huez, huez derrière votre écran. Smiley.
Voilà enfin les Wastemen et Soda (relativement) frais et pimpants. Ils ont décliné l’invitation de Psycho Burrito en lui expliquant que ce soir, on doit être à Nashville, et que t’es bien gentil bonhomme, ça fait quand-même une bonne petite trotte à travers l’Indiana, le Kentucky et le Tennessee.
On repart dans notre Dodge, pendant que Psycho Burrito, son père fraîchement débarqué et un des fils nous font de grands signes de la main. Psycho est toujours aussi jovial. Troublant.
On sort du lotissement, et Alex, Felix et Nico en ont une bien bonne à me raconter. Pendant que j’étais à les attendre, Psycho Burrito les a emmenés dans une pièce de la maison, qui s’est avérée être un véritable arsenal de guerre. Environ 25 pistolets, fusils, fusils d’assaut, fusils mitrailleurs, bien rangés et bien lustrés, que notre hôte a pris soin de leur montrer en long, en
large et en travers.
Incluant un petit pistolet « de sac à main » pour madame.
Rose, évidemment. Comme c’est touchant…
Niko lui a demandé ce qu’il pouvait bien faire d’autant d’armes. Le gars lui a répondu que, bein tiens, c’est pour se défendre, on ne sait jamais ! Faudrait déjà qu’il s’achète surtout 12 paires de bras pour tout tenir, mais bon. L’épisode ne les a guère motivé (pour peu qu’il le fussent déjà) à rester plus longtemps ici .

Et nous voilà en route pour Nashville. Ce soir on va jouer avec Jeff Nolan, un des guitaristes héros de mon adolescence : il a joué dans I Love You, Screaming Trees et Scott Weiland’s Magnificent Bastards, et c’est lui qui pose le solo sur notre « Go Fuck Yourself ». Qui sera bien sur ce soir dédicadé à qui vous savez. Bref, Jeff a gentiment fait le déplacement depuis
Orlando avec sa femme Erin pour nous rencontrer, jouer avec nous et s’amuser.
Et même si je ne le sais pas encore pendant que je roule sous un soleil de plomb au milieu des champs de maïs de l’Indiana, c’est bien ce qui va se passer ce soir, comme tous les autres soirs de cette tournée : on va s’amuser entre potes, rencontrer des gens incroyables, jouer dans des endroits terribles, avoir des fous rires à s’en faire mal au ventre, vivre musique à 200%, et se pincer toutes les 10 secondes en se demandant si on n’est pas dans un rêve.
Et je vais personnellement le vivre d’autant mieux que l’épisode d’hier soir, qui aurait pu tourner en cauchemar, me remplit finalement d’un sentiment aussi puissant que simple : je suis en vie.
Et la vie, c’est hyper cool.


La vidéo ci-dessous est faite avec des images tournées par Alex, Felix et Niko pendant ce périple aux USA et au Canada. Le titre est téléchargeable gratuitement ici (il suffit de rentrer "0" quand on vous demande le prix).