27 mars 2014

Fun fun fun


Si vous vous en foutez de ce que je raconte (et ça peut être totalement légitime) et que vous voulez aller à l'essentiel, c'est à dire vous croire entre 93 et 95 à écouter Fun Radio, allez directement à la playlist qui est tout en bas de ce post.

Quand on tournait avec feu Firecrackers (un jour je foutrai tout sur un bandcamp, promis) , il nous arrivait souvent dans le camion de jouer à se rappeler les tubes de notre adolescence.
Denis (batterie) et Fred (son) étaient assez forts. On n'avait pas de 3G dans le camion, ou quoi que ce soit, et il fallait faire tourner les méninges pour retrouver un air, un titre, ou un quelconque indice.
"Mais siiiii le truc qui faisait nanana-nana-yeah et qui est sorti genre entre le premier single de Snoop Dog et Therapy? ?!? Avec un son de caisse-claire hyper Radio-Campus ?!?Tu vois pas ?".
Indices d'une époque où il y avait encore moins d'Internet (ça balbutiait aux USA) et où les tubes, une fois passés, retombaient rapidement dans l'oubli collectif. Maintenant, on peut retrouver n'importe quelle merde sortie en février 58 en deux coups de clavier, ou les classements de singles semaine par semaine depuis Nefertiti (ou Régine, je sais plus trop).
Bref, à chaque coup ça finissait en se disant que c'était des tubes qu'on avait entendu et/ou qui passaient alors sur, croyez-le ou non : Fun Radio.
Si-si.
Et plus particulièrement dans une émission appelée Lovin'Fun. De, grosso modo, 93 à 95.
Si-si.

Le truc avec le Doc et le Difool, le truc qui affolait le CSA, le truc où des Fabiens suracnéiques appelaient pour raconter leur passion de la masturbation dans de mottes de beurre, où des Stéphanie en mal de sensations racontaient leur phobie de la première mise en bouche, entre deux rires niais de Difool, et le flegme tout anglo-saxon d'un Doc qui devait parfois se demander ce qu'il foutait là.
-"Non Fabien ce n'est pas sale et ce n'est pas grave, mais si tu continues à vouloir ingurgiter régulièrement ton propre sperme, je pense que ça peut vouloir signifier une situation de détresse, ou en tous cas un appel au secours et je t'encourage à aller voir quelqu'un pour en parler."

C'était à la fois marrant et tragique. Un vrai rendez-vous du soir, surtout pour la majorité des ados et jeunes adultes qui comme moi n'avaient pas de télé.
Donc entre un plat de pâtes sans sauce, un bout de tome de chèvre filé par mémé pendant le week-end, et les noix pour le dessert (avec un carreau de chocolat pour faire luxe) c'était toujours Fun Radio en fond sur le poste-radio-cd acheté en 91 grâce à l'argent des vendanges. Poste qui, pour l'anecdote, est maintenant propriété de ma fille, et fonctionne toujours à merveille; pourtant il en a vu des vertes et des pas mûres, a survécu plusieurs Paleo festival, à deux ans au Canada, et à tous les locaux de répétition des mes différents groupes ...
Bref, quand je n'écoutais pas ça sur ce fameux poste dans mon appart' d'étudiant au "confort" ultra-spartiate, j'écoutais ça au péage (sur le même poste qui ne me quittait jamais).

Le péage quoi, je vous jure, avant il y avait des êtres humains qui y travaillaient. Dont moi.
-"Bonjour, 42 francs, merci au revoir".
600 fois par jour.

Parfois il y avait un peu de fantaisie.
France 3 qui vient filmer le passage des corbillards du faux suicide collectif de l'ordre du Temple Solaire, ou Carignon sortir de tôle.
Ca fait pas bézef pour 20 mois passés là bas, j'en conviens.
Deux séances de 10 mois à un an d'intervalle, 20 de suite j'aurais  jamais tenu.
Au mieux, t'avais les reproches de conducteurs débiles, pour des sujets sur lesquels toi, Larbin Première Classe dan ta guérite, tu pouvais pas grande-chose, si ce n'est compatir.
Et donc tu ne disais rien. Surtout que si tu entames une conversation, c'est concert de klaxons dans les 5 secondes qui suivent. Il fallait débiter un client toutes les 6 secondes.
Vas-y, calcule.
Prendre ticket, mettre dans l'appareil, taper le code véhicule (classe 1/2/3 ou 4), encaisser, rendre la monnaie OU FAIRE LA PUTAIN DE FACTURETTE si le truc CB était en panne, ou TOUT NOTER DU CONDUCTEUR (si il a ses papiers) au dos de son chèque en cas de PUTAIN DE CHèQUE. Rendre son truc et dire au-revoir. En 6 secondes.
Donc pas de conversation, tu encaisses et c'est tout.
-Conducteur énervé : "Putain vous faites chiiiiier c'est super mal indiqué pour Lyon résultat je me suis planté putain vous faites chier sans déconner."
-Moi :"Mmmm mmm".

-Autre Conducteur énervé : "Putain vous vous faites pas chiiiiier c'est putain de cher bordel de merde vous êtes vraiment tous des connards !" 
-Moi :"Mmmm mmm".
-Autre Conducteur énervé : "Putain vous faites chiiEEER le bouchon qu'il y avait quoi non mais sans déconner !!!"
-Moi :"Mmmm mmm".

Je ne suis sorti de mes gonds qu'une seule et unique fois. Ce mec avait la palme. Il hurlait, il était rouge, il voulait m'en coller une, ça se voyait. J'avais les cheveux jusqu'au cul à l'époque, ça le faisait pas trop avec tout le monde. Et je ne vous parle même pas des "Bonjour-madame-ah-pardon-j'avais-pas-vu-avec-les-cheveux-ah-ah-ah".
Bref, le gars il l'a vraiment super vénère.
- Super Conducteur Super énervé : "Putain mais c'est super mal déneigé qu'est-ce que vous foutez bordel de merde ?!? Putain sans déconner qu'est-ce que vous foutez ?!?!"
----- DESPITE ALL MY RAGE I AM STILL JUST LIKE A RAT IN A CAGE ---

----- DESPITE ALL MY RAGE I AM STILL JUST LIKE A RAT IN A CAGE ---
----- DESPITE ALL MY RAGE I AM STILL JUST LIKE A RAT IN A CAGE ---
----- DESPITE ALL MY RAGE I AM STILL JUST LIKE A RAT IN A CAGE ---
- "Moi ce que je fous ?!! Bein tu vois là je suis dégouté parce que je viens de rentrer ma paye du mois en 20 minutes (nda: véridique, les sommes que tu brassais en cash en une journée, ça me rendait malade) Et si il y a de la neige sur la route KESSTUVEUX que j'fasse ? Que je sorte de ma guérite pour aller déneiger à la main jusqu'à Lyon ? A pied ? Casse-moi pas les couilles et barre toi ! Si t'as un problème tu vas LA-BAS***  et TU ME LACHES et tu te CASSES parce que ma parole les CONNARDS COMME TOI j'en ai ras-le-cul !!!"
(***en indiquant les bureaux où les responsables se la coulaient quand même assez douce par rapport à nous, et où les équipes techniques enchainaient cafés sur réunions syndicales, le déneigement on verra plus tard).

Je ne dois la vie sauve qu'à l'arrivée d'un des responsables,  qui avait rapidement vu le manège dégénérer, et qui a menacé le gars d'appeler les flics. Le gars était sorti de sa caisse, et était en train d'essayer d'enfoncer la porte de ma guérite à grands coups de pied, alors que j'essayais de trouver ce qui pourrait me servir d'arme pour lui péter sa tronche s'il arrivait à flinguer la porte.
Sous l'air que j'imagine ahuri de tous les autres conducteurs
Le responsable ne m'a rien dit, quedalle. Je n'ai pas eu droit à un "oui, je sais..." ou "non mais calme toi...". Il est juste parti.
On devait être avoir droit à un gros pétage de plomb dans notre convention de travail, ou je sais pas quoi. Moi j'étais persuadé que j'allais être renvoyé manu militari dans la minute, et sans indemnités pour faute grave. Non, lui il ne m'a rien dit et personne n'en a jamais reparlé, personne. Loué sois-tu, j'ai oublié ton nom mais tu gardes une place précieuse dans mon petit cœur.

Quoi qu'il en soit, quand j'étais du soir, c'était Fun Radio souvent, alterné avec du France Musique ou des trucs comme ça, parfois un match de foot, ou quelques CDs emmenés.
Passé 19h30 ça devenait désert, et réviser pour la fac dans la cabine jamais bien pratique ...
Je ne sais plus le nom des émissions qu'il y avait après Lovin Fun mais il y en avait une qui était pas mal. Passé un moment je connaissais la grille par cœur puisque les fréquences de taf' changeaient tous les 15 jours (HYPER PRATIQUE POUR ORGANISER TA VIE) et qu'un semaine de taf' pouvait ressembler à ceci :
- Lundi : 14>16h (super de faire un Gre-Voreppe/RIves/Voiron pour deux heures de taf)
- Mardi : 01(du matin)>9h
- Mercredi : 20>22h (une journée pétée pour deux heures, le truc que je surkiffais)
- Jeudi : OFF (super, c'est jeudi...)
- Vendredi : 11h-15h (re "une journée pétée pour deux heures", pour gagner j'imagine l'équivalent de 15 euros)
-Samedi : 7h-15h
- Dimanche : 02h(du matin)-10h00

Après je me demande pourquoi j'ai gaufré mon agrégation ... BREF.
On s'en foutait, on était jeune on était fou, on était con, la vie nous souriait youpi-tralalala.
Et donc sans qu'on sans rende compte, cette émission à la con allait forger notre Culture. Si-si, la preuve, beaucoup des repères musicaux que les gens de ma génération partagent ont connu le succès (les disques qui passaient à la radio état des disques qui ensuite se VENDAIENT, je sais c'est dur à imaginer, les jeunes) en grande partie grâce à la ligne de programmation de cette radio pendant cette période brève, mais vraiment intense. Je ne parle même pas du nombre de gars qui se sont mis à la gratte à cette période. Double-effet-Kiss-Cool "Fun Radio+Nirvana".
The Breeders , RATM, Urban Dance Squad, Cake, Faith No More, Silverchair, The Verve, BodyCount, Smashing Pumpkins, Nirvana (période In Utero pas spécialement radio-friendly) Beck etc. ...
Ça passait à la radio, dans l'émission la plus populaire d'alors.
Dingue, non ?
Attention il y avait des merdes aussi, comme en témoigne ma playlist (notamment ce fameux "Lemon Tree" de Fool's Garden : une angoisse totale).
Mais quand-même, dans le gros ensemble, c'était pas dégueulasse du tout. Puis ça s'est arrêté, on sait pas trop pourquoi et on n'a jamais cherché.
De totues façons fin 94 je me suis barré au Canada et alors là bas, des bonnes radios, je m'en suis gavé, mais gavé à m'en faire exploser les oreilles et le cerveau.

Après en France, il y a eu Couleur 3, puis bien plus tard on a voulu croire en Le Mouv'.
Hum.
Et depuis de toutes façons, le monde a changé.
Séquence nostalgie (avec fautes de goût totalement assumées) avec la Playlist concoctée pour vous, avec l'aide de Frédéric L. qui tient à rester anonyme, détenant maintenant une place clef dans ce qui reste de l'Industrie Musicale.
APPEL A CONTRIBUTION : si j'ai oublié des trucs évidents, signalez le dans les commentaires et je rajouterai dans la playlist au fur et à mesure !
Si vous êtes sur tablette ou smartphone et que le player ne s'affiche pas là juste en dessous, cliquez sur le lien pour accéder à la playlist

FUN RADIO 93/95 by Sebastien Dos-Santos on Grooveshark

22 mars 2014

Henri Guillemin : L'autre avant-guerre (1871-1914)


A tous ceux et toutes celles qui s'intéressent à l'Histoire en général et à la période de la première guerre mondiale en particulier, je ne saurais que trop conseiller d'écouter cette intervention de Henri Guillemin (qui date de la fin des années 60 ou début des années 70, diffusé alors sur la Télévision Suisse Romande), qui a fait partie des sources que j'ai épluchées pour mon "1916".
On y apprend beaucoup de choses, et en tous cas on se pose de nouvelles questions, on est porté à en savoir vraiment plus sur tout ce qui a "préparé" le carnage qui a mit fin à la Civilisation européenne.
Henri Guillemin, inspiré par la pensée de Rousseau, admirateur de Robespierre, Jaurès et Tolstoi, déboulonneur du mythe Napoléon (et de beaucoup d'idoles en général), est certes partial et engagé, mais comme tout historien finalement.
Avec des arguments, et des documents à l'appui.
Son intervention permet de remettre beaucoup de choses en perspectives.
Le charme suranné de sa diction ne gâche rien à l'affaire. Porté par une vraie passion, il trouve toujours la formule qui fait mouche, les citations oubliées, les documents souvent passés sous silence.
Comme vous risquez de voir et d'entendre beaucoup de choses sur cette période, avec la commémoration du Centenaire  (ce lien pointe vers un site très bien fait), il me parait pertinent de vous faire connaitre cet historien dont beaucoup des éclairages m'étaient inconnus, et donc beaucoup m'ont fait bondir ...
Passionnant.

21 mars 2014

1916 : la première projection

1916 christophe levet

1916 christophe levet

1916 christophe levet

1916 christophe levet

1916 christophe levet
Voilà, c'est fait, et ça s'est bien passé.
Pourtant jusqu'à la dernière minute ça a été la course folle pour des raisons techniques laborieuses (10 minutes avant les projections, les vidéoprojecteurs ne fonctionnaient plus, j'en passe et des meilleures).

Cette "commande" a été passée le 17 décembre 2013 par le Pôle Européen de la Culture de Grenoble.
Il a d'abord fallu trouver l'idée : au lieu de "bêtement" aller jouer au Museum d'histoire naturelle en version acoustique avec les Wastemen , sous le prétexte que nous sommes "barbus", pour coller à  la semaine thématique intitulée "au poil"; il  m'a paru plus pertinent de dévier le sujet sur les "poilus" de la "grande guerre" dont on célèbre cette année le centenaire.
J'ai décidé de mêler la grande histoire à la petite, familiale. Feue ma grand-mère adorée Colette, de qui j'étais très proche et que j'ai toujours beaucoup admiré (un moral à toute épreuve, une culture folle, et une joyeuse malice tout en gouaille et accent dauphinois pur jus) n'abordait que rarement la vie de son papa revenu traumatisé par la guerre et Verdun en particulier.
Quand je dormais chez elle, petit, j'étais dans une chambre où il y avait les décorations de son papa, Lucien-Eusèbe, et les réponses à mes questions restaient évasives. Et c'était les seules fois où je la voyais triste. Ca m'embêtait. Je n'ai jamais vraiment insisté.
Ce projet m'a donné l'occasion d'aller déterrer tout ça, avec l'aide de ma mère et d'une de mes tantes. Ma mère qui a donc vécu jusqu'à ses 16 ans sous le même toit que cet arrière-grand-père dont les troubles mentaux l'ont empêché très tôt de pouvoir reprendre un travail. Des troubles mentaux bien sûr "non imputables" à la guerre, comme il est écrit dans son livret militaire. Il a eu ses médailles, 50 francs, et un veston gris. Point.

Il a fallu ensuite éplucher du matériau historique (livres, vidéos, illustrations etc.) et les sélectionner. En pensant en même temps à donner un "ordre" au récit.
Puis tout ce matériau il a fallu le rendre exploitable pour une utilisation vidéo (je vous passe les détails et les manipulations).

Dans le même temps (le peu de temps que j'ai eu, vu que j'ai fait ça en plus de mon travail "de jour", multipliant les soirées au bureau et les week-ends d'autiste enfermé autour de 2 ou 3 bécanes surpuissantes qui tournaient en même temps... merci encore à La Haute Société !) il a fallu composer la musique (sauf "Heading for the Holy Mountain" avec la voix de Nadj, que j'ai récupéré sur le premier album des Wastemen car je n'ai pas eu le temps de finir le thème en question initialement prévu), mais surtout l'enregistrer.
N'ayant jamais fait de home-studio, ça a été une sacrée aventure. Il a fallu acheter puis maîtriser tout ce qu'il fallait (carte-son, câblages, micros, enceintes de monitoring, supports etc. : merci encore Pianotech pour les conseils et la disponibilité sans faille).
Et aussi maîtriser un logiciel de montage audio (Reaper, une tuerie simple et efficace).
Il a fallu remettre en état ma vieille batterie Tama "Imperical Star" (qui a mon âge, c'est vous dire si elle date) que je traîne avec moi depuis mes 8 ans (un bon investissement de mon papa que je ne remercierai jamais assez).
Il a fallu enregistrer tout ça (incluant la voix de Jull et le trombone de Olivier Inebria), le mixer et le masteriser (pour le coup, je confirme : masteriser, c'est un métier ...).

Et toujours dans le même temps j'ai créé tant bien que mal des animations vidéos à partir d'objets inanimés (médailles, douilles d'obus décorées, paperasse militaire etc.), et si avant je bidouillais gentiment en apprenant sur le tas, cette expérience m'aura fait faire une auto-formation accélérée dont l'intensité n'a eu d'égal que les litres de sueur perlant sur mon front à des heures tardives, entre deux demi-repas.
J'en oublie surement et le but ici n'est pas de me plaindre ni de me faire plaindre, bien au contraire : j'ai adoré faire ça, adoré ! Le plus dur a été l'épluchage des vidéos de soldats traumatisés, filmés en milieu psychiatrique. Très dur.

Après, pour le choix des images et des séquences, je n'ai quasi pas eu le temps de réfléchir : des séquences me sautaient aux yeux, je les plaçais où je les "voyais" par rapport à la musique, et le reste suivait, ça s'est fait assez naturellement. Les animations en découlaient, ce qui influait sur la suite etc.
Je vais me faire gronder : je n'avais AUCUNE trame prédéfinie. Seulement huit thèmes, qu'il fallait imbriquer mais aussi séparer dans le même temps (avec un choix de chapitrage dans le montage).
La chose la plus délicate était d'avoir du recul : on est vite hypnotisé par des images qu'on voit à longueur de temps, qu'on retravaille, qu'on déplace, etc. On en sature et on n'a plus de recul. Il fallait éviter les écueils du pathos, de la dénonciation facile, faire passer quelque chose d'émouvant sans tomber dans la facilité, faire du "beau" avec du matériau tragique, et le respect dû et à sa famille, et aux anciens (et leurs descendants) qui ont tant souffert de cette période.
Le mélange du familial et de l'historique n'a pas aidé, on est toujours plus ému par une photo de sa grand-mère ou de sa mère enfant, que par la photo d'une autre petite fille. Mais j'ai essayé de faire en sorte que chacun puisse y voir qui il voulait, ou y voit au moins un symbole.
Réussi ou pas, c'était le défi à relever, et dans un domaine qu'on ne maîtrise pas (je ne suis pas réalisateur officiel de films ou de vidéos, d'autant plus à visée "artistique"), c'est d'autant plus périlleux.
Trouver un ton, éviter les évidences et les facilités, garder un semblant de narration (ou de progression) sans être trop didactique. Autant de questions que je ne réalise qu'aujourd'hui en vous racontant ça parce que sur le moment, je n'avais juste pas le temps d'y réfléchir ! Ou alors ça moulinait "en arrière-plan mental" pour ainsi dire.
Et je ne prétends pas avoir réussi à atteindre mes objectifs, j'ai juste fait du mieux que j'ai pu (d'autant plus que pour moi cette version n'est pas la "finale" que je sortirai en 2016).

Voilà, le lieu était vraiment magique. Ça a bien aidé. J'ai toujours pensé au lieu et à la disposition des gens, couchés, en faisant le boulot, même pour le son ! On n'entend pas pareil couché au sol que debout !

Il me tarde de pouvoir améliorer tout ça (car pour moi il ne s'agit que d'une première version très largement améliorable à tous points de vues) et de pouvoir le présenter à nouveau, ailleurs avec peut-être la possibilité de jouer tout en live avec plus de musiciens.
Toute aide est bienvenue : cela fait belle lurette que je suis hors-circuit culturel ...

Merci Bertand Vignon de m'avoir emmené dans cette galère. Car si j'ai navigué en eaux troubles, essuyé des tempêtes, des vents contraires, eu peur comme jamais (si si, j'ai flippé, vraiment), je suis arrivé à bon port.

Merci à toutes les personnes qui m'ont aidé, elles se reconnaîtront.
Merci au public pour sa présence et son attention.
Ce beau silence à la fin de la projection valait de l'or.


Photos : Christophe Levet
(je ne sais comment il a pu faire car la salle était vraiment plongée dans un noir total !)

20 mars 2014

1916 teaser


Et voilà.
La première c'est ce soir 19h00 au Museum d'Histoire Naturelle de Grenoble, gratuit sur réservation au 04 56 52 85 22.
J'aurais plein de trucs à vous dire là-dessus mais ça sera pour plus tard, je manque vraiment de temps...
Alea jacta est.

12 janv. 2014

La république a gagné


« La République a gagné ? » nous dit Emmanuel Valls.

Il a fallu en appeler a Conseil D'Etat.
Rien que ça.
A quand l'ONU ?

Je m'inquiète du silence assourdissant de tous les politiques et de tous les humoristes et de tous les artistes, concernant l'interdiction du spectacle de Dieudonné.
Pas du silence sur "le devant de la scène" et sur le spectacle, ce qui serait dit dedans etc., non-non, ça c'est bon, comme vous j'en ai bouffé, merci ça va. 
Et puis vu que maintenant Dieudonné n'est pas vraiment en bonne posture ("un genou à terre" pour reprendre ses termes), ça coûte pas cher de lui tomber dessus et d'en remettre couche sur couche,  à la Nicolas Bedos et à la Stéphane Guillon, qui pensent ainsi trouver une opportunité de paraitre pertinents et courageux en plus d'être drôles. Alors qu'ils ne sont ni l'un ni l'autre. Plus triste, et là ça fait chier, même Poelvoorde s'y met.
Il devrait recommencer à picoler, et à se rappeler de l'esclandre médiatique qu'avait déclenché le film qui l'a rendu célèbre (et dont, finalement, on se demande ce qu'il a fait depuis à part "Les convoyeurs attendent").


Passons, ce qui m'intéresse dans cette histoire de Dieudonné, ce sont les interdictions. Je ne parle pas du fond, et des enfantillages humorisitco-journalistiques évoqués en introduction.
Simplement de la forme, des principes et du droit. Etant donné qu'en République, ce sont les choses les plus importantes, celles qui la définissent.

Ces interdictions, donc, vont faire jurisprudence.
Ainsi, tout spectacle (humoristique ou artistique) qui choquera « quelqu'un » (une communauté, un groupe religieux, une race, un groupe d'intérêts etc.) pourra bientôt être interdit. Il lui suffira de brandir la menace d'un trouble à l'ordre public. Qu'il ait lieu ou pas, ce qui est encore plus fort.
Les spectacles comme ceux qui avaient choqué quelques intégristes catholiques à Paris il y a peu seront donc interdits, car il suffira à quelques excité de brandir cette menace.
Un spectacle un peu « olé olé » avec des lesbiennes-gay-bi-trans  qui retournent des croix (ou un concert de Cobra, tiens) se verra banni de la place publique via des Catholiquess intégristes. Une réunion de ces mêmes catholiques intégristes qui diront tout le mal qu'ils pensent des ces mêmes gay-bi-trans se verra interdire par les LGBT. Des mormons créationistes seront baillonés par des partisans d'extrême-gauche.
Quelqu'un voudra remettre en cause la pensée des extrêmistes salafistes ? Ceux-ci argueront directement d'un possible trouble à l'ordre public pour que la parole soit baillonée. 
Etc. etc.
Vous pouvez imaginer toute les combinaisons possibles et inimaginables (c'est d'ailleurs à ça que sert le droit: gérer le particulier par du général).
Et ce sera donc une victoire ?
Pour qui ?

Il n'y aura plus que des spectacles ou des réunions de Bisounours qui ne dénonceront rien ni personne, ne dérangeront rien ni personne, ne soulèveront aucune problème et aucune passion.
Et tout sera dans l'ordre des choses molles et mortes. Parce qu'on ne veut pas comprendre que le cadre formel de la démocratie n'implique pas une vie simplement formelle. La société est faite de dissensions, des désaccords, et des luttes. Si on empêche de les laisser s'exprimer (tant qu'il n'y a pas d'appel à la violence directe donc dans le respect d'un droit qui existe déjà et n'avait pas besoin de toute cette plaisanterie) on court à la catastrophe, car le feu qui couve sous la marmite risque bien de la faire exploser.
Mais en France on ne veut pas laisser les gens décider par eux-même si quelque chose est acceptable ou pas, on estime que c'est le rôle de l'Etat.
Le Royaume-Uni, qui aux dernières nouvelles n'est pas une dictature, ne laisse-t-elle pas s'exprimer, en pleine rue, et encadrés par des bobbies des gens aux propos bien plus violents, proférant parfois des attaques ad hominem ? Combien de fois des intégristes islamistes ont il tenu des manifestations publiques appelant à renverser le pouvoir, la Reine i tutti quanti ? Aux USA (qu'on aime tant décrier) il y a des ignares créationistes et suprémacistes; qui prônent en public et en toute tranquilité la suprématie des races, donc. Idée qui m'est étrangère à tel point que je ne juge même pas opportun de m'arrêter sur le fond.  Allez donc voir le tragique Craig Cobb qui peut dire publiquement, entre autres joyeusetés qu'il veut créer des villes d'où les noir seront interdits. Ca se fait à la télévision, ils sont interviewés par des journalistes. L'Etat ne s'en mêle pas. Et personne ne va donc inventer un trouble potentiel (c'est merveilleux cette notion) à l'ordre public avant même qu'il n'arrive. Parenthèse : le trouble à l'ordre public qui a été monté comme étendard de l'interdiction, on l'attend encore, mais passons.
Là-bas, dans les pays anglo-saxons, on les laisse faire. On se dit que les gens sont peut-être assez intelligents pour faire leur choix et leur avis tout seul. Mais ça en France, c'est trop demander, et viendra peut-être un jour où on nous inoculera ce qu'il faut penser par prescription de l'Etat.
Comme il est courant chez nos amis journalistes de faire des comparaisons « avec nos voisins européens » je m'étonne qu'aucun journaliste ne signale que ce qui est présenté comme Le Danger de la République et le Pire des Maux que la France ait connu depuis 50 ans, ne ferait pas deux vaguelettes dans les média anglais, et à juste titre.


Quand en 2010, Rayhana, une femme de théâtre algérienne qui défend la condition féminine, s'est fait agressé à Belleville par des excités intégristes gravitant autour de la mosquée Omar, qui ne supportaient pas sa pièce, ils ont non seulement porté atteinte à l'ordre public mais aussi à une personne. Elle a quand même été aspergée de White Spirit et on lui a jeté un mégot incandescent au visage pour tenter, en vain, de l'enflammer.
Là aussi, il y a eu comme un silence assourdissant de l'Etat, et pour le coup, juste deux vaguelettes dans les média. Ca n'a pas excité grand-monde.
Aujourd'hui, ces même agresseurs n'auront qu'à manifester devant la salle du théâtre, ou même simplement annoncer qu'ils le feront pour que la pièce ne puisse pas être jouée. Et même avant que la pièce soit jouée. Ce sera "préventif".
Et là aussi « La République aura gagné » ?!?

Le manque de prise de hauteur sur des sujets aussi graves, en en restant au fait divers et à la petite polémique au lieu de réfléchir aux questions de droit et à tout ce qu'elles impliquent me désespère au plus haut point.
Ca gesticule, ça s'invective... Nicolas Bedos s'est trouvé une cause qui ne coûte pas cher et peut enfoncer des portes ouvertes avec un sourire satisfait. Mais personne ne se pose la question de savoir si ces décisions de droit sont dangereuses ou pas une fois que cet épisode médiatique sera passé. Parce que le droit restera, lui. Nicolas Bedos et Dieudonné, c'est moins sûr, et ça ne m'intéresse pas de le savoir; car ça, ce n'est pas un problème.
Vous allez dire que je vois le mal partout mais il n'a échappé à personne que tout ce cirque permet aussi (et surtout ?) d'occuper les esprits à d'autres choses qu'aux choses qui fâchent au quotidien la majorité de citoyens français. Et comme il y a des municipales bientôt, bon, ça peut aider à penser à autre chose. Et sinon l'affaire Dassault, tout ça, bon bein résultat ça fait beaucoup moins d'esclandre. Et Cahuzac, on en est où sinon ? Eh oh c'est bon, on a le droit de taquiner un peu ...
Des litanies enflammées de nos politiques et de nombreux "journalistes" sur la "République en danger"... Journalistes dont le métier est donc non pas d'informer ou d'analyser de façon critique mais de donner des leçons de morale et de politique ex abrupto dont on ne comprend parfois pas bien les fondements.
Des sujets de fond, ce n'est pas ça qui manque. Mais on les voit pas beaucoup dans les grand-messes des journaux télévisés (bon en même temps j'ai plus de télé depuis 2009 mais je suppose que rien n'a changé, c'est aussi pareil à la radio que j'écoute beaucoup plus). Et quand ils sont abordés, ils ne sont jamais étayés, et de toutes façons "synthétisés" en 2 mn parce qu'il faut aller vite au sujet brulant de l'accident d'autocar de Pelmouc-sur-Buzen ... Pourtant les gens seraient ravis d'en savoir plus sur la façon dont (au hasard) fonctionne l'industrie pharmaceutique, comment sont régulées (ou pas) les ententes entre opérateurs téléphoniques, les problèmes structurels dans les écoles et l'éducation en général, la question du fonctionnement des concessions autoroutières, des syndics de copropriété, les écarts de salaire entre les hommes et les femmes etc.etc. 
Ou, en parlant de "République en danger", de la façon dont la dette est gérée, et comment les Etats ont prêté de l'argent pour renflouer les banques après la crise des subprimes, pour que ces même banques reprêtent ensuite de l'argent aux Etats, mais avec un taux d'intérêt multiplié par cinq .... alors que nombre d'Etats sont au bord de la faillite. Ce qui pour le coup est un danger bien réel, et bien pressant. 
Bien sûr, si on s'intéresse à ça, on me rétorquera qu'on peut toujours fouiller par soi-même. Certes.

Ca ne m'empêche pas de penser qu'on peut attendre plus de journalistes bardés de leur carte de presse que des marronniers creux sur les cadeaux de Noël revendus sur ebay, ou des sujets hautement aussi inoffensifs que l'agonie de Choumacheure au CHU de Grenoble.

J'imagine ces gens lorsqu'ils étaient jeunes, l'oeil vif et la mèche pleine d'entrain.
"Je serai journaliste, je ferai des scoops, je dévoilerai des choses cachées ou secrètes, je parlerai de ce qui travaille la société, des rapports entre les hommes, des conflits, je serai même peut-être Grand reporter et je serai au front des guerres du monde."
Et puis finalement ...
"Je mange des kebabs sur le parking du CHU de Grenoble, il pleut et je me pèle le cul en attendant un éventuel communiqué d'un médecin, que je relirai in extenso avec mon joli micro, filmé devant le bâtiment. Avec mon pote cameraman, et mon pote preneur de son. Bon les gars, y en a marre des kebabs, ce soir on va au restau ou quoi ?"

Alors que la reprise d'une dépêche AFP faite dans un bureau aurait suffit. Mais non, il faut un journaliste filmé devant l'endroit en question, comme si ça apportait quoi que ce soit au problème (qui n'en est déjà pas un, en plus).
Mais je m'égare. Pas tellement puisque avant d'être un problème de droit, on a malheureusement vu que toute cette question est aussi un grosse question médiatique.

Contre toutes les envolées stupides (qui en fera le plus contre Dieudonné ?) je n'ai trouvé que peu de gens "publics" ayant un point de vue censé sur le sujet : Alexandre Astier et Bruno Gaccio. Je vous invite à visionner cette entrevue de Gaccio (en date du 9, soit période circulaire, avant l'arrêt du Conseil d'Etat) du qui finalement résume assez bien le fond de ma pensée, vous la trouverez en bas de ce billet.
Il y exprime une position sur la liberté d'expression qu'aurait pu soutenir un Voltaire (dont ne suis pas plus fan que ça dans l'absolu, ceci dit), un Voltaire qui repose au Panthéon de la République, mais dont par contre les propos foncièrement et méchament antisémites sont consultables et achetables dans toute bonne librairie et bibliothèque. Donc si nos responsables politiques avaient une vraie ligne de conduite et des principes qui ne changent pas en fonction du sens du vent, ils devraient dire (à tort) : interdisons l'accès et la publication de tels propos (qui vont environ mille fois plus loin que ce que peut dire un Dieudonné, soit dit en passant). 
Au cas où vous ayez la flemme de cliquer sur le lien, voici un extrait choisi :
"Vous ne trouverez en eux qu’un peuple ignorant et barbare, qui joint depuis longtemps la plus sordide avarice à la plus détestable superstition et à la plus invincible haine pour tous les peuples qui les tolèrent et qui les enrichissent."
(Dictionnaire philosophique, 1769, 
éd. Moland, 1875, t. 19, chap. Article "Juifs", p. 524)

Ca pue, ça craint. 
Mais pourtant je suis pour que ceci puisse être lu, publié, débattu, contredit.
C'est un principe. Soit il est absolu, soit il n'est pas.

"La République en danger" ... Calmons-nous, on croirait entendre Maximilien en 1793.
Là, messieurs il s'agit d'une interdiction d'un spectacle de Dieudonné. De lycéens qu'on accuse d'Apologie de Crime Contre l'Humanité et qu'on met en garde à vue pour avoir fait le geste de la fameuse "préparation culinaire en forme de boulette de forme généralement allongée, à base de différents ingrédients, typique dans la cuisine traditionnelle de plusieurs régions françaises".
Il faudrait voir à respirer un peu par le nez. Et au lieu de procéder à des excommunications politiques, médiatiques, et juridiques, essayer de voir plus loin que le bout de son nez (entendez : les municipales ou "mon futur politique à moi que j'ai").
Finalement, s'il y a quelque chose de 1793 qui met la République en danger, ce n'est pas le danger que voit (et entretient à dessein) Emmanuel Valls.

"La République a gagné".
Je me demande bien quoi.
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VIDEO interview Gaccio (allez à 3'45'' pour le sujet évoqué ici )



VIDEO interview Astier
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