Voilà, c'est fait, et ça s'est bien passé. Pourtant jusqu'à la dernière minute ça a été la course folle pour des raisons techniques laborieuses (10 minutes avant les projections, les vidéoprojecteurs ne fonctionnaient plus, j'en passe et des meilleures). Cette "commande" a été passée le 17 décembre 2013 par le Pôle Européen de la Culture de Grenoble. Il a d'abord fallu trouver l'idée : au lieu de "bêtement" aller jouer au Museum d'histoire naturelle en version acoustique avec les Wastemen , sous le prétexte que nous sommes "barbus", pour coller à la semaine thématique intitulée "au poil"; il m'a paru plus pertinent de dévier le sujet sur les "poilus" de la "grande guerre" dont on célèbre cette année le centenaire. J'ai décidé de mêler la grande histoire à la petite, familiale. Feue ma grand-mère adorée Colette, de qui j'étais très proche et que j'ai toujours beaucoup admiré (un moral à toute épreuve, une culture folle, et une joyeuse malice tout en gouaille et accent dauphinois pur jus) n'abordait que rarement la vie de son papa revenu traumatisé par la guerre et Verdun en particulier. Quand je dormais chez elle, petit, j'étais dans une chambre où il y avait les décorations de son papa, Lucien-Eusèbe, et les réponses à mes questions restaient évasives. Et c'était les seules fois où je la voyais triste. Ca m'embêtait. Je n'ai jamais vraiment insisté. Ce projet m'a donné l'occasion d'aller déterrer tout ça, avec l'aide de ma mère et d'une de mes tantes. Ma mère qui a donc vécu jusqu'à ses 16 ans sous le même toit que cet arrière-grand-père dont les troubles mentaux l'ont empêché très tôt de pouvoir reprendre un travail. Des troubles mentaux bien sûr "non imputables" à la guerre, comme il est écrit dans son livret militaire. Il a eu ses médailles, 50 francs, et un veston gris. Point. Il a fallu ensuite éplucher du matériau historique (livres, vidéos, illustrations etc.) et les sélectionner. En pensant en même temps à donner un "ordre" au récit. Puis tout ce matériau il a fallu le rendre exploitable pour une utilisation vidéo (je vous passe les détails et les manipulations). Dans le même temps (le peu de temps que j'ai eu, vu que j'ai fait ça en plus de mon travail "de jour", multipliant les soirées au bureau et les week-ends d'autiste enfermé autour de 2 ou 3 bécanes surpuissantes qui tournaient en même temps... merci encore à La Haute Société !) il a fallu composer la musique (sauf "Heading for the Holy Mountain" avec la voix de Nadj, que j'ai récupéré sur le premier album des Wastemen car je n'ai pas eu le temps de finir le thème en question initialement prévu), mais surtout l'enregistrer. N'ayant jamais fait de home-studio, ça a été une sacrée aventure. Il a fallu acheter puis maîtriser tout ce qu'il fallait (carte-son, câblages, micros, enceintes de monitoring, supports etc. : merci encore Pianotech pour les conseils et la disponibilité sans faille). Et aussi maîtriser un logiciel de montage audio (Reaper, une tuerie simple et efficace). Il a fallu remettre en état ma vieille batterie Tama "Imperical Star" (qui a mon âge, c'est vous dire si elle date) que je traîne avec moi depuis mes 8 ans (un bon investissement de mon papa que je ne remercierai jamais assez). Il a fallu enregistrer tout ça (incluant la voix de Jull et le trombone de Olivier Inebria), le mixer et le masteriser (pour le coup, je confirme : masteriser, c'est un métier ...). Et toujours dans le même temps j'ai créé tant bien que mal des animations vidéos à partir d'objets inanimés (médailles, douilles d'obus décorées, paperasse militaire etc.), et si avant je bidouillais gentiment en apprenant sur le tas, cette expérience m'aura fait faire une auto-formation accélérée dont l'intensité n'a eu d'égal que les litres de sueur perlant sur mon front à des heures tardives, entre deux demi-repas. J'en oublie surement et le but ici n'est pas de me plaindre ni de me faire plaindre, bien au contraire : j'ai adoré faire ça, adoré ! Le plus dur a été l'épluchage des vidéos de soldats traumatisés, filmés en milieu psychiatrique. Très dur. Après, pour le choix des images et des séquences, je n'ai quasi pas eu le temps de réfléchir : des séquences me sautaient aux yeux, je les plaçais où je les "voyais" par rapport à la musique, et le reste suivait, ça s'est fait assez naturellement. Les animations en découlaient, ce qui influait sur la suite etc. Je vais me faire gronder : je n'avais AUCUNE trame prédéfinie. Seulement huit thèmes, qu'il fallait imbriquer mais aussi séparer dans le même temps (avec un choix de chapitrage dans le montage). La chose la plus délicate était d'avoir du recul : on est vite hypnotisé par des images qu'on voit à longueur de temps, qu'on retravaille, qu'on déplace, etc. On en sature et on n'a plus de recul. Il fallait éviter les écueils du pathos, de la dénonciation facile, faire passer quelque chose d'émouvant sans tomber dans la facilité, faire du "beau" avec du matériau tragique, et le respect dû et à sa famille, et aux anciens (et leurs descendants) qui ont tant souffert de cette période. Le mélange du familial et de l'historique n'a pas aidé, on est toujours plus ému par une photo de sa grand-mère ou de sa mère enfant, que par la photo d'une autre petite fille. Mais j'ai essayé de faire en sorte que chacun puisse y voir qui il voulait, ou y voit au moins un symbole. Réussi ou pas, c'était le défi à relever, et dans un domaine qu'on ne maîtrise pas (je ne suis pas réalisateur officiel de films ou de vidéos, d'autant plus à visée "artistique"), c'est d'autant plus périlleux. Trouver un ton, éviter les évidences et les facilités, garder un semblant de narration (ou de progression) sans être trop didactique. Autant de questions que je ne réalise qu'aujourd'hui en vous racontant ça parce que sur le moment, je n'avais juste pas le temps d'y réfléchir ! Ou alors ça moulinait "en arrière-plan mental" pour ainsi dire. Et je ne prétends pas avoir réussi à atteindre mes objectifs, j'ai juste fait du mieux que j'ai pu (d'autant plus que pour moi cette version n'est pas la "finale" que je sortirai en 2016). Voilà, le lieu était vraiment magique. Ça a bien aidé. J'ai toujours pensé au lieu et à la disposition des gens, couchés, en faisant le boulot, même pour le son ! On n'entend pas pareil couché au sol que debout ! Il me tarde de pouvoir améliorer tout ça (car pour moi il ne s'agit que d'une première version très largement améliorable à tous points de vues) et de pouvoir le présenter à nouveau, ailleurs avec peut-être la possibilité de jouer tout en live avec plus de musiciens. Toute aide est bienvenue : cela fait belle lurette que je suis hors-circuit culturel ... Merci Bertand Vignon de m'avoir emmené dans cette galère. Car si j'ai navigué en eaux troubles, essuyé des tempêtes, des vents contraires, eu peur comme jamais (si si, j'ai flippé, vraiment), je suis arrivé à bon port. Merci à toutes les personnes qui m'ont aidé, elles se reconnaîtront. Merci au public pour sa présence et son attention. Ce beau silence à la fin de la projection valait de l'or. Photos : Christophe Levet (je ne sais comment il a pu faire car la salle était vraiment plongée dans un noir total !) |
21 mars 2014
1916 : la première projection
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