3 sept. 2022

KING'S X : Three Sides Of One

 Cela faisait 14 ans que les fans de KING'S X attendaient leur nouvel album.



Parmi ces fans, certains, comme moi, l'attendaient en fait depuis 24 ans et l'excellent "Tape Head", dont les successeurs se sont malheursent avérés aussi pauvrement composés que produits.

En parlant de production et de son : écoutez cet album sur un vrai support CD (ou le vinyle fort bien masterisé) et un vrai système de son : les plateformes de streaming ne rendent pas DU TOUT compte de la puissance de celle-ci. Même si elle est parfois un peu boueuse à mon goût.

"Three sides of one" donc. Un titre qui fait d'autant plus sens pour un trio dont la puissance scénique n'est plus à prouver, et dont les 7 premiers albums sont des chefs d'oeuvre avant-gardistes mêlant métal, prog, gospel-blues-soul et psychédélisme; dans lesquelles des cascades de choeurs croisent des murs de guitare on ne peut plus massifs, dans des morceaux lorgnant autant sur la recherche que sur le tube ultime. Un titre qui reflète aussi la variété des styles abordés dans l’opus, et l’apport marqué de chacun des membres du groupe, parfois au détriment d’un vrai sentiment de « groupe ». Loin des yeux loin du cœur : avec leurs situations géographiques on ne peut plus éclatées depuis plus de 20 ans, le groupe fonctionne en grande partie par des titres déjà pondus/finis chacun dans son coin.

Pour un résultat bizarrement trop éclaté dans l'ensemble : on croirait parfois écouter trois albums solos dont on aurait gardé les meilleurs titres (à l'exception du très passable et cul-cul-la-praline "Holidays" qu'on aurait bien échangé contres des versions plus longues de "Flood" ou "Swipe").

Allons-y titre par titre maintenant.




LET IT RAIN

Premier titre sorti en avance au début de l'été, "Let it rain" m'en avait un peu touché une sans faire bouger l'autre. Aux réécoutes (et surtout sur le CD) il n'y a rien à dire : emmené par une rythmique en 6/8 à la Led Zeppelin et une guitare noyée dans un "univibe" du meilleur effet (justement), il est épicé par les présences et non-présences de la basse, habileté simple mais efficace que l'on retrouvera également dans "Give it up". Déconcertant pour les fans de la première heure, ce titre ne contient aucun coeur "typiquement King's X" mais de façon presque douloureuse un passage "everybody"-tous-ensemble qui ne fera pas date, si ce n'est sur scène, j'imagine. Le solo en mode "reverse" est sûrement un hommage au "Rain" des Beatles qui avaient employé l'effet parmi les premiers. Par contre, pour un solo de Ty Tabor, on n'est pas sur quelque chose d'inoubliable. Rassurez-vous il y en aura plus loin. Quoi qu'il en soit ce mélange de lourdeur extrême (refrain) et et d'aérien (le couplet dépouillé aux accords simples mais basé sur un rythmique inattendue) fonctionne bien, même si ça ne restera pas un “Out of the Silent Planet”, “Groove Machine, “World around me”,  ou tout autre “opener”  culte du groupe.


FLOOD PT 1

Ah voilà on y est. Les trois singles (“Let it rain”, “Give it up” All God’s children”) m’avaient semblé tous très simplistes (pour du King’s X hein). Là au moins on a du chelou. Intro à cordes, agrémentés rapidement de cris flippants. Suivi par un plan rythmique dur à calculer mais surpuissant (comme un “Talk to you” de l’album “Faith Hope Love”), suivi lui même par un couplet cristallin avec (ENFIN) les chœurs tant attendus qui jouent avec des arrangements de cordes. Un titre aux ambiances totalement ambivalentes, mais qui fonctionne en diable. Et qui fait écho aux pérégrinations spirituelles du groupe : “I used to say that all we needed was love. Now I'm thinking that what we need is a flood”. Ambiance.
On aurait bien pris un peu (beaucoup) de rab tant cette chanson pouvait tourner à l’épique sur une durée au moins deux fois plus longue. Mais ne boudons pas notre plaisir, voici le meilleur titre du groupe depuis 1998, dans l’ordre d’écoute de l’album.


NOTHING BUT THE TRUTH

Un titre aux fortes sonorités soul et années 60, dans laquelle la basse de Dug (qui l’a composée comme on s’en doutait) se promène comme une petite fofolle dans de champs de guitares claires. Cette ballade est une réussite toute simple, intemporelle, pleine d’air, qui malgré toutes ses références reste unique. Le solo nous offre un Ty en grand forme, qui sans plus de fioritures, fait couiner là où ça fonctionne : à l'âme (soul).


GIVE IT UP

Quand le single pré-album était sorti, j’avais été fort déçu. Je révise mon jugement avec, encore, un vrai son sur le CD et la chaine hi-fi : la basse (ou pas, justement) fait tout le sel du morceau, qui navigue entre couplets aux alternances voix leads (Dug) et chœurs du meilleur effet. Et dont la base rythmique fait plus que penser à “Beer drinkers and hellraisers” de ZZ TOP, suivi d'un refrain entrainant avec un “Woooo-ooo-ooh” qui reste en tête, que vous le vouliez ou non. Un passage percussif au milieu de la chanson agrémenté de cris de Wally Farkas, ami de longue du groupe et ancien membre des Galactic Cowboys, fait office de solo. Pourquoi pas (rappelez-vous “Breaking the girl” de RHCP) mais les percussions auraient gagné à être plus en avant dans le mix, plus claires.

Quoi qu’il en soit ça fonctionne, sauf quand, pour une raison inconnue, le refrain est répété avec un changement d’un ton en fin de morceau. Astuce éculée qui me fait hérisser les poils à chaque fois que je l’entends, et dont la raison chez la plupart des groupes est “ah mais euh merde c’est pas assez long, faudrait rallonger… bon, on va refaire le refrain un ton plus haut/bas et hop !”. Sauf que ça ne marche jamais, et GIVE IT UP ne sera pas l’exception qui confirme la règle. Et puis comment ça “pas assez long” ? Si une chanson est bien en deux minutes, laisse là durer deux minutes, basta. Non ?
Bon, ne boudons pas trop, voilà un titre qui reste en tête avec un hook efficace.


ALL GOD’S CHILDREN

Le troisième single sorti avant l’album ne m’avait lui aussi pas convaincu. Eh bien jugement en grande partie révisé par une écoute sur un système de qualité (CD et chaine hifi). Oui je me répète, mais enfin toutes les fréquences avec de l’air qui bouge pour de vrai, ça change tout (message subliminal aux techniciens son qui nous demandent de baisser nos amplis sur scène en plus de nous demander de les mettre en side : c’est MORT). Bref.

Ce titre aux paroles pouvant être subtilement interprétées de deux façons (on rappelle “l’ambivalence” du groupe sur les questions spirituelles et religieuses) est une ballade dont beaucoup des fans ont dit qu'elle était de la trempe de la grandissime “Pleiades” tiré du fantastique et révolutionnaire “Gretchen goes to Nebraska”. Clairement non, ne poussons pas mémé dans les orties : déjà juste en épluchant le titre sur sa composition et ses différentes parties on en est loin, c’est beaucoup plus simple, et malheureusement un peu trop.

Même si ça n’empêche pas ce titre planant de fonctionner.
Intro accoustique 12 cordes, suivie par un plan lent et massif, chant épuré de Ty (qui ne restera définitivement pas un grand chanteur lead, mais pourtant ça marche). Là encore la basse et ses différentes progressions rythmiques toutes en appuis ou en sautillements, fait la différence. Les longs passages de chœurs suivant le magnifique solo font certes penser à “Pleiades”, mais avec beaucoup moins de risques quand-même. Une fois qu’on s’enlève les références passées de la tête, il est difficile de bouder son bonheur, car le titre s’avère vraiment intrusif et profond. On aurait aimé que la fin parte plus en sucette et plus longtemps, à la façon d’un “The Burning Down”, pour encore plus de méditations enfumées. Espérons que ce sera le cas sur scène (enfin, si on arrive à les voir en Europe après des annulations et reports en cascade).


TAKE THE TIME

Ah ! Le retour de  “Legal Kill” tiré de Faith Hope Love ? Pas vraiment car il y a là de la basse et de la batterie aux balais (a priori une première pour le groupe) pour ce titre acoustique. Le premier des trois titres chanté par Jerry (batteur) est en tous cas une réussite, malgré une production clinique très “radio FM” ou en tout cas trop polie à mon goût. La mélodie de guitare post-refrains est une merveille, et la voix à la fois fluette et assurée de Jerry était définitivement le bon choix. On se croirait au bord du feu de camp. Ou à bord d’une voiture, roulant vers l’ouest, sur un beau coucher de soleil. Un titre qui vous emporte gentiment, et vous prend par la main. Pose ta tête sur mon épaule, bébé.


FESTIVAL

Là c’est plutôt poing dans la gueule : emmené par un riff et une rythmique tout droit sortie d’un titre de Foo Fighters (il semble que ce soit justement assumé) ce titre est chanté par Ty, mais était-ce le bon choix ? On imagine la puissance que la voix de Dug, qui se contente ici des réponses dans le couplet (et au final, de seulement 5 titres en lead vocal sur l’album, dommage), aurait pu emmener. Car sur la trop grande longueur d'un titre qui par essence aurait du plafonner à 2'30'', la voix assez monocorde de Ty enterre un peu la pourtant très bonne dynamique de ce titre qui navigue entre ironie, et envie toute bête de bouger la tête avec une bière tiède à la main.

Ce titre sponsorisée par votre roteuse de festival ne restera pas dans les mémoires.


SWIPE UP

AHHHHH BEIN VOILA. J’attendais un titre aussi chelou que “Talk to you” depuis 32 ans. Jerry aurait même pu faire plus compliqué à la batterie : il reste étonnamment droit sur la partie “riff démoniaque" qui fait l’intro et les passages les plus chelous de ce titre faussement déconstruit. Parlant batterie, c’est moi ou la grosse caisse est enterrée dans le mix ? Ca fonctionne quand même grave, et trêve de fouloulisme : il y a tout ce que j’aime dans King’s X dans ce titre. Accrocheur, inquiétant, parfois planant, inattendu. Me concernant, c'est clairement le meilleur titre de l’album, malgré une fin en "fade out" qui aurait gagné à être plus aboutie.


HOLIDAYS

L’accident industriel du disque. Jerry nous pond un deuxième titre que même un groupe de reprises des Monkees ne voudrait pas en face B d’une édition bulgare tirée à 100 exemplaires.

Il fallait peut-être choisir une autre tonalité, car l’effet “univibe” (ou “Leslie speaker") ne cache pas une légère difficulté à accéder aux aigus. Pour la compo, on est sur une ballade kitsch et cliché 60s, qui navigue entre générique de Friends, publicité pour du chewing gum trop sucré, et paillettes sur de faux ongles. Ok l’album offrait beaucoup de diversité jusque là, mais euh…. là les gars, c’était vraiment pas nécessaire. Après la maladie du titre pas assez long, rappelons la maladie née de l’arrivée du CD qui s’appelle “on n’a pas assez de titre sur l’album” (avec un CD on peut mettre 72 minutes de musique VS 45 avec un vinyl).
Non : s’il n’y a que 11 titres de bien, eh bien ne mets que 11 titres, pas 12 pour faire plaisir au label (ou à toi, à ta maman, peu importe).
Une enfilade mal calculée de plans tout faits et tout cuits : c’est vraiment TOUT ce qu’on ne cherche pas chez King’s X. Surtout quand au final c’est très dispensable. Alors que sur le fond,  qu’on le veuille ou non, des fois, des enfilades comme ça, ça fonctionne.
A garder : les 10 secondes de l'intro (qui n’a AUCUN rapport avec la suite, heureusement d’ailleurs) sinon passez votre chemin. Si vous avez le vinyle je vous conseille même de rayer cette partie du disque, histoire d’être bien sûr que personne ne tombe jamais dessus.


WATCHER

Nous voilà dans les 70s, pour l’intro en tous cas. Une vibe qui perdure tout le long de cette chanson agréable et efficace, très “typée Ty”. De la power-pop parfois mélangée à des épices orientales, ce n’est jamais désagréable. Sans crier au chef d'œuvre, voilà un titre réjouissant qui lave les oreilles après l'abominable “Holidays” (oui désolé, je fais une fixette).


SHE CALLED ME HOME

Encore un titre très 70s emmené par Jerry. L’album a définitivement changé de direction après “Swipe Up”. La preuve : Dug ne chante plus un seul titre en « lead » à partir de maintenant.

Le titre est agréable, mais ne me transporte pas. A la rigueur, après ce qu’on croit être la fin du titre, la reprise de l’ensemble en plus lourd, pour l’arrivée du très bon solo de Ty, donne son sens à l’ensemble, qui à mon avis ne restera pas dans les standards du groupe.



EVERY EVERYWHERE

Le dernier titre de l’album a été vendu par le groupe et les fans comme un mix de new-wave et de chaiplukoi quoi. Je ne vois pas du tout en quoi, ce sont plutôt les Beatles qui sonnent à la porte, mais n'ouvrent pas la fenêtre. Car si la mélodie de voix est efficace et inattendue, l'ensemble a du mal à décoller.



Avec deux ou trois titres en moins (devinez lequel ;) et, allez, les deux derniers) l’album aurait gagné en cohésion et en percussion. Mais franchement, après autant d’années de disette, on est plus que content de revoir les membres de KING'S X revenir à leur vrai niveau, en proposant un album varié, bien produit, bien composé et bien pensé. Qui contient des pépites déjà parmi mes favorites du groupe. Juste rageant de les retrouver à côtés de quelques fillers sans intérêt.
Maintenant, croisons les doigts pour les revoir enfin prendre une scène européenne (et française) dans les délais les meilleurs.

Pour ceux qui ne connaissent pas le groupe, ou veulent approfondir l’affaire voici un petit best-of tout à fait subjectif concoté par mes soins https://open.spotify.com/playlist/1QUyhngWoE0hZ8CPGNxCJr?si=10e80635aef94524


- "Three sides of one" sur spotify

- "Three sides of one" sur deezer

- "Three sides of one" sur youtube

Pour le reste démerdez-vous hein, pis surtout optez pour du physique, merci


PS : oui je vais passer à wordpress, quand j'aurai le temps.