--- photo : on fait les malins au siège de John Deere, à Molines, Illinois, après le concert au RozzTox de Rock Island. Et sinon, si t'as pas lu les épisode précédents : Episode 1 et Episode 2. J’entends un moteur au loin. Je saute pour essayer de trouver des lumières de phares. Là-bas, à l’est. C’est pas sur ma route, ça doit être un croisement : je cours. De plus en plus vite, comme un taré. Merde ma cuisse me fait putain de mal. Cours cours cours cours cours ! Le moteur se rapproche, c’est un camion, ou un bus, ses phares découpent le maïs et la nuit, il va arriver là-bas, il y a bien un croisement. Cours cours cours cours putain de merde faut que j’arrête de fumer cours cours cours j’en chie cours cours j’en CHIE PUTAIN J’EN CHIE ! Je me fous au milieu du carrefour, et reprends ma respiration comme je peux, courbé, le tronc en avant, les mains sur les genoux ; je suis limite en train de tomber dans les pommes. C’est un camion, il est à 100 mètres. Ses phares m’aveuglent, je lève les bras et fais de grands signes en sa direction, mais il n’a pas l’air de vouloir ralentir. Il me fait des appels de phares, puis klaxonne, de plus en plus rapproché. IL est clair qu’il n’a pas envie de s’arrêter. Je le devine en train d’essayer me m’éviter par ma droite. Non mon pote tu passeras pas ! Je me décale sur ma droite. Il est plein phares, il klaxonne sans s’arrêter putain il est proche proche proche je continue de balancer les bras en l’air ARRETE TOI PUTAIN CONNARD ! Il me pile devant. Comme dans les films, genre à un mètre de ma gueule. Plus de klaxon, juste le bruit du moteur en marche ; dont je sens la chaleur réconfortante tout près de moi. Pour un peu, j’embrasserais la carrosserie. Je m’aperçois que j’ai même pas eu peur. Il allait pas m’écraser non ? Je recule un peu avant de me diriger vers sa cabine. Erreur. |
--- photo : le programme du lundi "off" à Nashville, Tennessee. « - YOU FUCKIN FUCK !! WHAT THE HELL YADOIN’ ?!? FREEZE NOW FREEZE MOTHERFUCKER !!! » Ouh putain « Freeze », comme dans les films ! Okay mec je bouge pas, et je fous carrément les bras en l’air. Bienvenu au Far Middle West. « -WHAT THE FUCK ARE YOU DOIN ?!?? » - W-w-w-well I’m l-l-l-l-lost I had to … - TURN AROUND TURN AROUND HAVE YOU GOT ANY GUNS ?!? » Ouh putain il est tendax. Oh merde, mes yeux s’habituent à la lumière des phares, le mec a sorti le tronc par la fenêtre et il est en train de me pointer avec ce qui ressemble fort à un calibre de type « chie dans ton froc ». Je serre les fesses, et dans un même mouvement savant, je tourne sur moi-même tout douuuuuuucement : « - Nononononono come on I AIN’T GOT NO GUNS ! I AIN’T GOT NOTHING ! LOOK ! - WHAT THE FUCK YOU DOIN’ HERE ???!? » - Well I I I I I ’m french, my b-b-b-b-band and nnnnnn-nn I p-p-p-played in Browsnsburg but the guy who d-d-d-d-drove me afterwards was n-n-n-n-nnuts and I had to j-j-j-jump out off his p-p-p-p-p-pick up, now I’m l-l-l-l-llost and I got nothing with me ! ». Pendant le long silence qui suit, je me rends compte que suis encore sous le choc de tout ce merdier, à tel point que j’ai du mal à parler distinctement sans bégayer. Ça ne doit pas arranger mon affaire et mon crédit auprès de Super-Trucker. « - WHAT THE FUCK IS THAT SHIT ?! ARE YOU FUCKIN’ KIDDIN ME ?! FUCKIN’ FAIRY TALE MAN ! » - Nonononononononono p-p-p-please come on I j-j-j-j-jjust look for a l-l-l-llift to Brownsburg, or a-a-a-anywhere else where I can f-f-f-f-find humans and give a c-c-c-c-call or anything please ! - HAVE YOU GOT ANY MONEY ? » Merde mec, c’est quoi le rapport ? Il veut me plumer ici ? En joignant le geste à la parole, je retourne mes poches pour lui signaler que « - NO I ain’t go n-n-n-n-nothing it’s all in our v-v-v-van ! » et je pousse le zèle jusqu’à essayer de retourner la poche-ticket (la petite, à droite, bein ouais les gars ça s’appelle la poche-ticket). Miracle : un bifton de 20 dollars plié en quatre tombe sur la chaussée. « -Wait wait wait !!!! I had that I d-d-d-did not even know !!» - HOW MUCH YOU GOT ? » Putain c’est quoi ce film ? - 20 b-b-b-bucks ». - … OKAY GIMME YOUR TWENTY BUCKS AND I DRIVE YOU TO BROWNSBURG. IT’S ON MY WAY. GOTTA PARK MY TRUCK HERE FOR THE NIGHT ». Putain enculé, je te filerais pas les 20 boules tu me laisserais là ?! En plus c’est sur ta route ! Ah okay. T’as un gun. On discute pas. Mais au moins, par pitié arrête de brailler comme un putois. |
--- Niko a piqué le chapeau de Felix, en route pour le Canada. Il me fait signe de monter. Je grimpe et m’installe sur le siège, le mec est super tendax. « - I will give you one good piece of advice, man : don’t try to fuck around with me. Am I clear ? » - O-k-k-k-kay. Sure. Just wanna b-b-b-be in Brownsburg. ». On roule, je m’aperçois que j’ai les mains qui tremblent, j’essaye de reprendre une respiration normale, mais ça daube vraiment fort là-dedans ; Super-Trucker n’a pas du voir une douche depuis un bon moment. Panneau de signalisation « Brownsburg ». Ouf. Le mec tourne à gauche. Pas ouf. « - Mmmmm sorry aren’t you g-g-goin to Brownsburg ? » « - NO I gotta park my truck not so far, my wife will come and pick us up with our car ». Bon. Il gare son engin dans une zone désaffectée, et sa femme arrive comme prévue. Mal réveillée, les cheveux en vrac, elle est recouverte d’énormes boutons, et daube autant que son mari. Qui, à la lumière froide du parking, apparaît finalement lui aussi très défraîchi. S’ils sont pas alcooliques, ils prennent de la dope. Elle marmonne quelques questions inaudibles, auxquels son mari répond systématiquement en braillant. Je ne moufte pas. On rentre finalement dans leur voiture qui exhale un inénarrable parfum de chien mouillé, de sueur, de cigarette froide et de vieux simili-skaï. « - So, where do we drop you in Brownsburg ? » - Mmmmmm well the v-v-venue erm … uhhhhh » Putain. Le blanc. Aucune idée du nom de la salle. Je rappelle qu’elle n’était pas au routing initial, ça s’est fait il y a deux jours. « - The … the p-p-place where there are live g-g-g-gigs, two big rooms, one you can s-s-s-smoke in, and a great t-t-t-terrasse in the backyard ». - Man, I park my truck here but we don’t live in Brownsburg, I got no idea ». Merde. Merde merde merde. « - MMmm it’s d-d-d-downtown, just t-t-take the main street and I’ll tell you » Mais en fait je n’en ai aucune idée. On roule, on tourne, et Super Trucker perd patience. « - I had enough road these days, I won’t drive for hours, find the fuckin’ place or I’ll drop you anywhere ». Vu le ton y a rien à négocier, faut trouver une solution dans la seconde. « -Yeah sorry, I …. I dunno, just don’t drop me there. Take me to the cops, it’s always open right ? And maybe my friends would be there waiting for me ? » - To the cops, man ? Are you sure ? You ain’t got ID, nothing » - No choice, d-d-drop me there ». |
--- photo : Alex procède au ravitaillement avant le concert de Nashville. On suit les panneaux d’indications du poste. Je prépare mentalement la litanie incroyable, au sens propre, que je vais devoir présenter aux flics. Il se gare sur le parking. Miracle : la salle est juste derrière. Je mate l’enseigne : elle s’appelle donc « A Stone’s Throw ». A un jet de pierre. Aussi bien c’est encore ouvert. A Rock Island on est resté dans un bar jusqu’à 4 heures après le concert, hier à Louisville on a du finir dans ces eaux là. Ca dépend des Etats, et vu qu’ici on peut fumer dedans, aussi bien il y a encore des êtres humains, et la chance de voir passer les autres parce qu’ils vont bien repasser là à un moment ou un autre. Et miracle dans le miracle : je vois notre Dodge avec tous les zozos à l’intérieur arriver juste devant. Je leur fais signe, ils sortent et me gueulent dessus. « - Putain mais t’étais où t’avais pas autre chose à faire que d’aller boire des coups putain on a flippé notre race tu fais chier putain !!!! » En plusieurs fois, j’essaye de leur expliquer que je ne sors pas du bar, mais de la bagnole de Super Trucker, et tout ce que je viens de vous narrer, par saccades, dans le désordre. Je m’aperçois que le choc est pas passé, ils s’en rendent compte rapidement je crois. Le pauvre Félix, qui fait sa première tournée avec nous, et sa première tournée tout court, se demande avec quel taré il s’est embarqué. Je devines sur son visage un mélange tout à fait pur de stupéfaction et d’inquiétudes diverses. Mais non les gars, j’ai pas fait la fermeture du bar. Promis, juré, craché. D’ailleurs vous m’avez bien vu monter dans le pickup de l’autre taré puisque après vous nous suiviez ?! Oui, mais ils ont cru qu’il m’avait peut-être ramené en route, ou que je m’étais arrêté ailleurs fait la tawa ou etc. etc. Non les mecs désolé je faisais pas VRAIMENT la tawa pendant tout ce temps. Ni la teuf’, ni la bringue, ni la bamboche. Je leur demande où EUX sont allé. Et là, stupéfaction, ils sont bien arrivés… chez le gars, sur les indications téléphoniques d’Austin dont la copine conduisait notre Dodge (souvenez-vous, dans l’épisode 1). Et là-bas quand ils ne m’ont pas vu, ils lui ont demandé où j’étais. Ce à quoi le gars a répondu : « - I don’t know. » Et il est allé se coucher sans demander son reste. I don’t know. Surréaliste. Je bouillonne littéralement à l’intérieur, j’ai envie d’aller le tuer. Je demande aux autres comment ça se fait qu’il ait pu répondre ça. J’étais DANS son pickup putain, il peut pas dire qu’il sait pas où je suis. Il m’a au moins lâché quelque part. Les autres ne comprennent pas non plus. |
--- Felix sort du Chicago Music Exchange avec 12 cordes en plus dans la besace. J’ai faim, j’ai soif, j’ai envie d’un clope. On est trop content de se retrouver. Alex a un sourire qui illumine le ciel infini de l’Indiana. On décide de tous aller à un fast-food géant qui reste ouvert toute la nuit et qui se trouverait pas très loin. On pourra débriefer, et manger. Je n’en reviens pas qu’on se soit retrouvé aussi facilement, finalement. Eux non plus. J’apprends petit à petit qu’à un moment de notre chevauchée fantastique avec celui que l’on appelle maintenant « Psycho Burrito », les gars derrière ont failli lui rentrer dedans bien comme il faut, mais pas moyen de savoir si c’était avant ou après que j’aie sauté. Puisqu’ils l’ont reperdu en route. Quoi qu’il en soit, je mange comme 15. Je suis vraiment content d’être en vie et je commence à rigoler un peu. Je descends deux bières pour la forme et file fumer une clope dehors. Il y a là un flic qui fait manifestement le planton toute la nuit, en cas de débordement. Dois-je vous rappeler qu’ici on se trimballe armé ? Pour je ne sais quelle raison il entame la conversation avec moi, et dans le fil de celle-ci, pour une raison qui m’échappe, je lâche que je suis musicien et qu’on a joué ce soir à Browsnburg, c’est cool, tout ça. Oulah non pas cool. Sa tête a changé. La suite au prochain épisode... |
--- photo : on a tous enregistré notre single dans le Record Booth de Third Man Records. Là je me la pète avec mon exemplaire à Toronto le lendemain d'un concert (catastrophique) au Silver Dollar. Pour en savoir plus, en entendre plus et en voir plus sur les fabuleux WASTEMEN c'est par ici. Episode 1 Episode 2 |
20 nov. 2014
PSYCHO BURRITO, Saison 1 épisode 3
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