--- photo : c'était bien CE pickup. Photo prise le lendemain. Vous saurez pourquoi/comment dans l'épisode 3. Pour l'épisode 1 : RDV ici.
Je reprends mon souffle. Je me tourne vers lui. Re-corps en avant. Secousse intense. Tout défile très vite.
J’essaye de reprendre mes esprits. Il roule comme un taré. Je me dis que ça doit être la suite du concours de quéquette. Genre « Ouais t’as vu , j’ai trois guns dans mon pickup, mais je roule vite aussi, je suis un homme ! ».
J’ai jamais compris ce genre de plan, pourtant très répandu chez les êtres humains pourvus de quéquette. Faut savoir vivre avec les mœurs locales, je ne me formalise pas trop, malgré la surprise. Je toussote juste un peu en ricanant bêtement.
« - Erm .. hhhhh…. Goin’fast hhhhhhh fun hhhhhh… ermmmm…. »
En me tournant vers lui encore une fois.
Il est fixé sur la route. Accroché. Obnubilé.
Coup d’œil dans le rétro. Je ne vois plus la voiture des autres. Le bruit du moteur. Trop de bruit de moteur. Coup d’œil au compteur. 120. Cent vingt Miles. Calcul mental. 160 km/h.
Reprende ses esprits.
« - Hey man that’s cool but you gottta slow down cause I can’t see the guys anymore and they have to follow you to go to your place.
- … ».
Pas de réponse. Bruit du moteur.
Rétroviseur : rien.
« Hey please slow down they can’t know where to go if they lose us.
- … ».
Pas de réponse. Coup d’œil au compteur. 120 miles, toujours.
Finie la ville. Petites routes, champs de maïs. Crissements de pneus. Ca bouge, ca bouge beaucoup. 360 degrés. Moteur ralentit. Repart à fond.
« - HEY WHAT THE FUCK MAN ?!? Slow down now this is dangerous !
- … »
Pas de réponse. Il fixe la route. Bras tendus. Pas un clignement de paupière. 120 miles.
Ça fait long.
« - YOU GOTTA SLOW DOWN NOW I GOTTA HAVE THE BOYS BEHIND I TOLD YOU ! »
|
--- photo : non évidemment je me suis pas amusé à prendre une photo. Je l'ai piqué (bouhhhhh) sur Internet. Pas de réponse. 120 miles. Champs de maïs. Secousses. Tangue dans tous les sens. 120 miles, on valse. Je me cogne la tête à la vitre. J’ai du mal à déglutir. Je respire très vite. « - STOP IT NOW STOP THAT SHIT AND SLOW DOWN I WANNA SEE THE GUYS YOU DRIVE LIKE CRAZY !!! - … » Pas de réponse. Il fixe la route. Bras tendus sur son volant. Pas d’expression sur le visage. J’hurle dans le vide. « - STOP IT NOW MOTHERFUCKER I GOT A DAUGHTER !!! I GOT A DAUGHTER YOU’RE GONNA KILL BOTH OF US YOU FUCKIN’ BASTARD !!!! - … » Pas de réponse. On valse. 120 miles. Je prends tout ce que j’ai dans les poumons « - I GOT DAUGHTER !!!! I GOT A DAUGHTER !!!!! - … » Le fils de pute ne bronche pas. Je panique totalement. On va crever. Ça tangue putain de méchament. Le paysage qui défile n’a aucun sens. Montée d’adrénaline. A soulever une montagne. |
--- photo : non évidemment je me suis pas amusé à me scanner le cerveau. Montage honteux réalisé par mes soins.
« - OKAY NOW STOP IT OR I’M GONNA KILL YOU ! I DON’T CARE CUSE YOU’RE GONNA KILL US ! YOU FUCKING BASTARD !! I’m GONNA CUT YOUR THROAT AND SHIT IN YOUR NECK WHEN THIS IS ALL OVER !!!
- … »
Je joins le geste à la parole mais je n’ai ni couteau ni scie sauteuse sous la main. Lui il a 3 guns derrière.
J’empoigne son cou de bœuf sous hormones avec mes deux mains. Je serre pas tout de suite. Il va comprendre que là, ça suffit. Obligé.
Quedalle. 120 miles toujours. Je serre un peu
« STOP THAT SHIT MAN I’M GONNA DO IT ! SLOW DOWN NOW ! LEAVE ME HERE I DON’T CARE !!!!
- … »
Le bâtard fixe la route. Bras tendus. 120 miles. Le cul du pick up part encore une fois dangereusement dans un virage. Crissement de pneus. J’vais crever.
Putain, j’vais crever. J’vais crever ? J’vais crever. J’vais crever.
Je serre de toutes mes forces. Son cou dur comme de l’acier. Il bronche pas. Peur qu’il m’envoie un coup de poing dans le pif. Je fais pas le poids. Il a 3 guns derrière. Je serre. Je serre. J’hurle. Il bronche pas. 100 miles. Je serre. J’hurle. 70 miles. J’hurle. Ses bras tendus. 30 miles. Il veut pas broncher. 20 miles.
Maintenant. Ou jamais. Ou son coup de poing ? Ses guns ? Coeur qui tape. Gorge sèche. Maintenant. Regarder le bas côté. Pas encore. Ses mains sur le volant. Maintenant. Peur. Le bas côté. Un ravin sous la lune. Maintenant. Peur.
Relâche mes mains. Ouvre la portière. Flash blancs. Hurler. Flash blancs. Peur. PEUR. PEUR.
Ma fille.
|
Sauter. Battements de mon cœur. Très fort. A faire mal. Je suis en vie. J’attends. Attendre. Pas bouger. Pas de grosse douleur. Rien de cassé. Mal à la cuisse. Mal à la tête. Mais rien de cassé. Attendre quand-même. La nuit tout autour. Je sais trop qu’on peut avoir un vilain truc et ne pas le sentir quand on a eu trop d’émotions. Et là j’ai eu mon lot. Je ne vois pas très bien. Merde. Mes lunettes. Et l’autre il est où ? Je suis myope comme une taupe. Je me mets à genoux. Je suis au fond d’un bas-côté de route. L’herbe haute et des espèces de ronces m’ont amorties tant bien que mal. Et l’autre il est où ? Pas de bruit de moteur. Je n’en reviens pas. Je n’ai rien de cassé. J’ai envie de pleurer de joie. Je pleure de joie. Ou de je ne sais quoi. Retrouver mes lunettes. Je remonte doucement le bas côté à genoux en tâtant tout ce que je peux avec les mains. Me voilà à hauteur de la route. Comme une taupe qui sort de son trou. Plus de pickup. Plus rien. Juste la route, moi, et du maïs partout. Je tâtonne. Entre l’angoisse d’avoir perdu mes lunettes (je ne vois vraiment rien à plus d’un mètre) et la joie de pas être blessé et de m’être échappé de ce gonze. Il allait où ? M’enculer dans un champ ? Juste nous tuer en caisse ? Rien à foutre, je veux mes lunettes. Je tâtonne à quatre pattes dans un silence absolu. Je n’entends que ma respiration. La face à 3 cm du sol. Je tâtonne. Mes lunettes. PUTAIN MES LUNETTES !!!! Je les sens au bout de mes doigts. Je repleure. |
--- photo : non évidemment etc. (et avec quoi d'ailleurs ?). Montage honteux réalisé par mes soins.
Désolé de décevoir mes plus grand(e)s fans : je suis une grosse chialeuse.
Vite-fait hein, poussez-pas, non plus : de joie.
Je chausse la monture. Vaguement tordue mais quasi rien. Le miracle. Double miracle : indemne, avec mes lunettes.
Rien ne peut m’arrêter je suis invincible.
Okay mon grand. T’es invincible si tu veux.
Rien ne peut t’arrêter, si tu veux, mais tu vas aller où, justement ?
T’es paumé. Tout ce que t’as comme repère, c’est une belle lune.
Du maïs partout. Une route déserte. Et mal à la cuisse.
Merde.
Ça caille. Je suis en débardeur.
Merde.
Donc j’ai pas ma veste.
Elle est dans le Dodge.
Donc pas de portefeuille.
Pas de portable.
Pas de thunes.
Pas de papiers.
Pas de clope.
Rien.
Ma bite et mes lunettes dans un champ de maïs géant.
T’en voulais de l’aventure ? Bein voilà. T’en as.
Silence. Froid. Cœur qui tape. Bras qui tremblent.
Parenthèse : juste avant et pendant que je sautais : au risque de vous décevoir (on m'a posé la question plusieurs fois) je n’ai pas du tout vu ma vie défiler, ou ce genre de trucs qu’on lit parfois dans les livres. Je ne dis pas ce que ça ne peut pas arriver hein, je signale juste qu’en ce qui me concerne, je n’ai vu que du mauve et du blanc qui faisaient des danses stroboscopiques zarbies. Basta.
Si un jour je saute en parachute, qu’il refuse de s’ouvrir et qu’il ne se débloque qu’à 100 mètre du sol, in extremis, je vous dirai si jamais j’ai vu ma vie défiler. Là, non. Désolé.
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Retour sur la chaussée de l’Indiana.
Je me pèle le jonc. Et émotions ou pas, j’arrive à calculer que grosso merdo, on a fait 15 ou 20 bornes depuis Brownsburg. Il doit être 2 heures du matin. Et donc j’en ai pour 3 ou 4 heures de marche. Je regarde la lune : faut que je parte à l’ouest. Quand t’as passé une bonne partie de ta vie à la campagne, tu sais ces choses.
Je marche. Pas de clopes, ça me fout le démon. Ceci dit, avec la tremblotte que je me tape, je suis pas sur de pouvoir la tenir sans l’échapper au bout de deux secondes. De temps à autre je rigole tout seul, à gorge déployée. De grands fou-rires. La seconde d’après je suis pris d’une forme de panique. Putain je vais pas marcher 3 heures en débardeur avec un froid pareil. Pas de lumière où que ce soit, même si on y voit très clair grâce à la lune.
Du maïs partout, pas un bruit, on est clairement loin de tout. Mais où sont les autres ? Ils ont vraiment été semés, sinon je les aurai recroisés. Ils vont bien se rendre compte que je suis pas arrivé chez le gars.
Quelqu’un va repasser c’est obligé.
Je serre les poings dans mes poches.
La suite au prochain épisode ... En savoir-entendre-voir plus sur Jose & the WASTEMEN, c'est par ici. |
3 oct. 2014
PSYCHO BURRITO, Saison 1 épisode 2
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